Gods Games
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Gods Games

Sommes-nous les jouets des dieux ?
Dans ce forum RP, des rencontres crues impossibles pourront avoir lieu
entre d'illustres ressuscités et des personnes de notre siècle

 
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 Courant d'air.

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Louis XIV
Achille, héros de Troie
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Achille, héros de Troie

Achille, héros de Troie


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MessageSujet: Re: Courant d'air.   Courant d'air. - Page 4 EmptyVen 22 Juil - 10:17

Il ne s’était pas passé un instant que tous comprirent être tombés dans quelque sorte de piège raffiné. Richard voulait sortir, tout comme Louis en entraînant leurs femmes. Les félins, eux restaient très tranquilles. Achille, lui, ne bougea pas, accablé, il acceptait la défaite avec le fatalisme de ceux qui savent ne pouvoir s’opposer aux desseins supérieurs, en plus qu’il sentait n’avoir rien de plus à perdre…La douleur lancinante qui s’immisçait dans sa tête, anéantissait tout, le privant de mouvement, de parole…le vainquant, lui, le preux Achille, l’obligeant à mettre le genou à terre…Soumission… son dernier acte conscient serait de se soumettre. Misérable ironie !

Il était à genoux, sur le sol dallé de pierre. Comme qui revient d’un long rêve, il releva la tête et considéra les alentours, non sans surprise. Il ne connaissait que trop bien cet endroit. Une des terrasses échelonnées sur le chemin à la grève…la mer scintillait de soleil, la brise était tiède et parfumée, mélange de fleurs et senteurs marines…Sa mère cueillerait ses chers coquillages, en bas, guettant leur lueur nacrée à travers l’onde transparente… Pour un instant, Achille faillit y croire, à l’illusion…tout n’avait été qu’un rêve…Il était vivant, de retour…Infime seconde de bonheur génuine…avant que tout ne bascule. Parois lisses, blanc uni…même ce sol où il continuait agenouillé…

Te voilà donc, guerrier !

D’un geste las, il releva la tête, sans se surprendre de ne trouver personne. Cela faisait partie de la sempiternelle farce, du jeu impitoyable, de cette ritournelle absurde de cache cache et confusion. Il s’efforça de fermer ses pensées, demeurer avec l’esprit vide.

Tu es fort. Calchas a été un bon maître mais pas assez bon tout de même. Je peux sentir ta rancœur, ta colère qui bouillonne, qui finira, comme toujours par l’emporter. Parce que tu es en colère, n’est ce pas, fils de Pelée ?

Silence obstiné. Lentement, il se redressa mais n’en demeura pas moins silencieux et abattu. La Voix émit un ricanement narquois avant de poursuivre, d’un ton voulu égal, mais où perçait l’ironie.

Ne me dis pas que le grand Achille restera là, vaincu et tout à cause des beaux yeux d’une femme ! Toi, devenu sentimental !!! Tantôt tu as été sur le point de croire que tout n’avait été qu’un mauvais rêve…Bah, ça a été un peu méchant de ma part mais tu as saisi rapidement de quoi il en va. Tu ne vas pas me demander où tu es ? Ce que tu fais ici ?

Non. Tu me le diras tout de même, à quoi me fatiguer !

Tu ne veux pas savoir ce que deviennent ceux que tu tiens pour tes amis ?

Ce sont mes amis et encore…à quoi bon ? Ton jeu ne variera en rien pour autant que j’émette un quelconque avis…au mieux, tu feras le contraire.

Ton défaitisme me navre.

Tu mens, cela t’amuse.

Bref éclat de rire, qui ressembla plutôt à un aboiement qui finit brusquement.

Où est restée ton arrogance !?

Tu le sais mieux que moi. Maintenant fais ce que tu as à faire et finissons en.

Tu veux retrouver tes amis ?...Tu veux la retrouver…elle ?

Que veux-tu de moi ? Tu veux que je supplie…que je me traîne en implorant ta grâce…que j’avoue ce qui me torture ?...À quoi bon ? Je n’obtiendrai rien d’autre que ce que tu as déjà décidé de m’octroyer et connaissant la velléité de vous autres, qui vous prétendez Dieux, ce ne sera ni bon et encore moins juste !

Il frôlait l’hérésie, là, mais l’Autre ne lui en tint pas rigueur.


Tu nous juges durement, tu étais pourtant presque des nôtres…héros quasi immortel, gâté de Dieux, admiré des hommes.

Je n’ai pas été admiré mais craint et haï, pour ce qui est de gâté, on aura vu mieux et dis moi de quoi sert une quasi immortalité si on en meurt. Va raconter tes foutaises à d’autres, je ne me sens pas d’humeur à entendre plus.

Hum !...Monsieur n’est pas d’humeur…je dois dire que tu me déçois…

Pour ce que ça m’intéresse.

Un peu d’humilité ne te fera aucun tort…disparais, on verra si cela t’amuse et te rend l’humeur…l’amour ne te sied guère, guerrier, l’oublier te fera grand bien.

Vaudra mieux me tuer si c’est cela que tu prétends.

Petit rire malin.

Mais non, voyons…ne soyons pas si dramatiques, cela enlèverait de l’intérêt au jeu !

Va en enfer, qui que tu sois !

Un énorme éclat de rire précéda le néant…

La tête lourde, l’esprit en pagaille, il ouvrit un œil, puis l’autre. Allongé dans sa couche, à l’abri de sa tente au milieu d’un silence pesant, à peine interrompu par le bruissement du vent dans les arbres…

Arbres ? Que diables…

D’autant qu’il savait, il n’y avait pas un seul arbre dans cette plaine entre la mer et les murs de Troie…Trop de silence pour un campement de guerre, où le va et vient était incessant, même si ses hommes prenaient singulier soin de ne pas le déranger pensant son sommeil. Faisant fi du malaise, il se leva et allant vers la sorte écarta la tenture d’un geste vif, se fichant d’être presque nu…Ce qu’il allait dire mourut sur ses lèvres. Point de campement, point de Myrmidons…pas plus que de mer, de plaine et encore moins de Troie à l’horizon…au lieu de cela, une verte prairie, bordée d’un fleuve placide, à l’orée d’un bois…Dans un éclat douloureux, le fait de sa propre mort lui revint, le vague souvenir d’un étrange réveil…

Ce n’était pas un rêve…je suis mort…et maintenant…

Il n’en savait trois fois rien, à part qu’il était seul au milieu d’un rien inconnu, sans âme qui vive aux alentours…mais que faisait donc sa tente, plantée là, comme elle l’avait été jadis, dans la plaine troyenne ? Pas d’explications, juste des bribes égarées d’une conversation absurde.

«…L’amour ne te sied guère, guerrier, l’oublier te fera grand bien… Un peu d’humilité ne te fera aucun tort…disparais, on verra si cela t’amuse et te rend l’humeur… cela enlèverait de l’intérêt au jeu !»

Qui avait dit cela ? Quand ? Où ? Comment ?...Dans sa tête régnait la plus terrible des confusions. À moitié chancelant, le guerrier regagna sa couche et s’y laissa lourdement tomber, en fermant les yeux.

Je suis ivre…je suis ivre et hallucine !!!

Il se mit à gueuler comme un dément, appelant ses lieutenants, ses esclaves, mais personne ne vint. Accablé de malaise, de vide, d’un chagrin incompréhensible, il aurait voulu s’endormir et effacer cette angoisse de son esprit mais le sommeil ne vint pas, le laissant démuni face à ce rien étrange qu’était tout à coup devenu ce qu’on pouvait supposer s’agissait de…sa vie. Dans cet état douloureux de demi veille, des drôles d’idées allaient et venaient, en parfait désordre, sans connexion, sans aucune logique…floues ou plus claires…voix, rires, paroles, sensations…mais jamais un visage défini…seulement des ombres imprécises…et cela faisait mal…mal de ne rien comprendre…mal de vouloir le faire…

Qui sait en quel moment il s’endormit vraiment, d’un sommeil lourd, criblé de rêves fous qui tournaient au cauchemar. En tout cas, ce fut son propre hurlement qui se chargea de le ramener à ce semblant de réalité. Seul. Il était absolument seul et avait pourtant, enfouie au fond de tant de confusion, la douloureuse certitude d’avoir perdu quelque chose de très important pour lui…plus que quelque chose…quelqu’un lui faisait défaut, semant un vide atroce dans son esprit chamboulé…sans même savoir pourquoi, Achille, le grand héros de Troie, dont la bravoure sans pareil fut chantée par les Muses et immortalisée par Homère, se trouva en train de pleurer, éperdu comme un enfant égaré.
Mais tôt ou tard, il fut clair que se morfondre sur ses misères ne servait à rien et il commençait à avoir faim. Sa tente était certainement confortable mais il n’y avait trace de nourriture, force fut de se mettre à la recherche.

Jour de pêche. Sa technique était la bonne mais ça demandait de la patience or n’ayant rien de mieux à faire, à part méditer inlassablement, ça l’accommodait. Il avait le poisson convoité en vue, suffisait d’un coup précis…

ACHILLE !


Ce cri fit distraction, il en sursauta presque tant c’était inattendu et bien sûr, sa proie fila. Se tournant vers le bruyant intrus, le guerrier ne songea même pas à baisser le harpon, tant cette apparition le sidérait…mais d’où diables sortait cet homme, habillé de la sorte, en plus ? L’air si ravi, comme si rien ne le rendait plus heureux qu’interrompre sa pêche.

Eh, Chichille, c’est moi, Louis ! Tu te souviens de moi, quand même ?

*Chichille ? C’est quoi ça, comme confiance !?*

Bien sûr, sa mémoire, dernièrement, ressemblait à une purée de pois mais quand même, de là à accepter mollement pareille intrusion.

Pas la moindre idée de qui tu es !

Ce grognement peu engageant, en guise de bonjour, ne décontenança pas pour autant le tel Louis, pas plus que le harpon qui le visait. Faudrait en rajouter.

Fiche le camp ! Tu déranges les poissons !

L’autre n’avait que faire de son manque d’hospitalité. Il secoua ses boucles brunes, un peu incrédule, mais enbraya de suite, avec un sourire bon enfant qui aurait attendri un ogre.

Allez, fais pas ta forte tête ! Je me doute que tu me tiens pour responsable, mais c’est toi et Hélène qui avez voulu traverser le mur !

*Hein !?*

Le débit de l’inconnu, pourtant compréhensible, lui posait une sacrée colle. Qu’on le damne s’il savait de quoi il parlait. Ses idées ne firent qu’un tour de même que ses tripes, le malaise s’instaura allègrement. Quelque chose de semblable à un souvenir voulait se frayer chemin mais les compliqués engrenages de son cerveau mettaient tout du leur pour empêcher tel exploit.

Sais pas de quoi…tu parles…un mur ?...quel mur ?


D’autant qu’il put en juger, il n’y avait rien de semblable aux alentours.

*Hélène ?...C’était à Troie, ça…On a traversé un mur…on s’est taillés ou quoi ?...sais plus rien…*

Fameux charivari dans sa tête, ce qui n’empêcha pas que l’inconnu, si volubile, continue bon train.

Quel mur ? M’enfin, ne me dis pas que tu as tout oublié ? On cherchait Elisabeth ! Ta petite Sissi, tu t’en souviens quand même ?

Elisabeth. Voilà qui le remuait bellement. Il ne savait pas pourquoi mais là, il était à point de se sentir vraiment malade, sa tête allait éclater, ce qui ne priva pas sa nouvelle connaissance de poursuivre sur la lancée.

Les guêpes, le trou et puis le mur… Où sont Hélène, Philippe et les autres ?

Qu’est ce qu’il en savait ! Mais ça lui donnait au moins l’idée de ne pas être vraiment seul…il y avait d’autres, quelque part, d’autres qu’il connaissait…

*Mais dont je ne me souviens pas…Qu’est ce qui se passe ?*

Ce n’était pas de sitôt ou qui sait, qu’il trouverait des réponses mais pour le moment, autant distraire le tournis en s’intéressant par l’animal qui se tenait près du tel Louis.

C’est…quoi…ça ?

Cette question pourtant si normale, à son avis, sembla prendre son interlocuteur de fortune parfaitement de court. Selon lui, sa singulière bestiole se nommait Hermès et c’était son hybride à lui et à …Hélène !? Parlait-on de la même femme ?...Bagheera ? De sa vie, il n’avait entendu pareil nom…et avait encore moins eu un chat démesuré comme celui là…et puis sa tête allait éclater.

Je ne me fous pas de toi, Achille ! Après le mur, il y a eu, je ne sais pas quoi. Toi qui crois aux dieux, je pense qu’ils ont joué avec nous. Baisse ton javelot, s’il te plaît. Hermès devient nerveux.

Croire aux Dieux ? Il en avait eu, son lot dernièrement, avec les Dieux ! Il finit par baisser son arme et se massant le front, dans un essai de chasser le malaise, rejoignit Louis sur la berge.

Écoute…sais pas qui tu es, ni ce que tu fais ici…je sais rien, en fait…à part…euh…à part rien…

Cette triste vérité ne sembla pas trop incommoder Louis, qui sans perdre sourire et bonne humeur, semblait tout prêt à prendre la situation en charge.

Assieds-toi. Je vois que tu as déjà deux poissons. Je vais les préparer. As-tu de quoi faire du feu ? Moi, j’ai plus que mes nippes…

Il était marrant, ce gars. Curieusement, le malaise céda d’un poil.

Oui…j’ai du feu, là, dans la tente…des braises…sais pas comment…mais elles rougeoient toujours…

Il ne s’était pas posé la question acceptant le fait comme normal. Louis semblait savoir exactement que faire. Il le regarda vider les poissons, se lamenter de ne pas avoir de quoi les saisonner, les disposer au feu puis s’installer et reprendre la conversation comme s’ils étaient des bons vieux amis.

Après l’avoir laissé parler à tort et à travers sur tout le possible ou imaginable, à part d’avoir un peu plus mal au crâne, Achille put déduire qu’ils avaient été, fait concret, vraiment des bons amis, qu’ils n’avaient pas été seuls mais faisaient partie d’un groupe…qu’il nomme Richard, Amelia ou Hélène ne lui fit pas grand effet mais quand les aveux de Louis se tournèrent vers celle qu’il nommait Sissi…l’affreux malaise revint en force ainsi que le chagrin abrutissant qui lui brisait l’âme. Cela sembla émouvoir cet ami retrouvé qui ne se formalisa pas des larmes amères qui lui échappèrent ni de l’entendre, malgré tout, réclamer des détails.

Tu peux parler des heures…c’est le vide…si je m’efforce d’attraper un souvenir…je ne me sens que pire…c’est une malédiction, j’en suis sûr…et quand tu me parles d’elle…c’est pire encore…Non ! C’est comme si on avait effacé ma mémoire…la dernière chose que je garde claire…est…ma mort…après…je t’ai déjà dit…ce réveil…et puis…sais plus rien…ou si peu…Désolé…il semblerait que j’ai égaré par là des fameux moments…

À l’avis de ce cher homme, qui prit si bien soin de lui pendant les jours qui suivirent, l’assommant parfois force de bavardages, ils devaient retrouver les autres, poursuivre leur expédition et si possible trouver une Pierre.

Une Pierre qui exauce des vœux ?...Ben, rien vu de pareil dans le coin…pas plus que dans la forêt. Non, je ne suis pas allé trop loin…à quoi bon ? J’y trouve ce dont j’ai besoin pour survivre…

Assez laconique mais vu les circonstances…

Les jours allant, avoir Louis le suivant comme son ombre devint habitude. Il retrouvait un bon compagnon, au babil intarissable, idées ingénieuses même si parfois aussi loufoques et surtout avec tous les souvenirs qui lui faisaient défaut à lui. Grâce à ces évocations, innombrables, Achille put se faire, sans trop de mal, une idée de ce qu’avait été leur singulière association.

On se demande bien comment…t’es sûr de ce que tu racontes ?

Il venait d’éviter que Louis fasse un drôle de vol plané pour ne pas avoir vu le ravin qui s’ouvrait à leurs pieds.

Pas la peine de tirer la tête pour ça…faudrait seulement que tu parles moins et sois plus attentif à où tu mets les pieds…Non, c’est pas un reproche…dis donc, t’as l’âme sensible, toi !...

Un peu plus loin, il lui fit remarquer les traces de pas.

C’est pas une bête qui a fait ça…regarde ça ! C’est un petit pied humain qui a laissé cette empreinte…donc, il y a quelqu’un d’autre dans les alentours…et pas seul…je suis sûr que c’est pas ton chat qui est passé par là…

Pour lui donner raison, Hermès émit un grognement discret.

Il sait de quoi on parle…maintenant, ferme la un moment…on va suivre la trace…qui sait ?...

Ceci dit, ils avancèrent en silence pendant un moment jusqu’à ce que leur compagnon félin marque un arrêt, oreilles dressées, humant l’air. Avant qu’ils ne songent à dire quoique ce soit, un long feulement retentit suivi par l’apparition d’une bête en tout semblable au brave Hermès. Dignes retrouvailles de deux amis…mais ce ne fut pas cela qui retint l’attention des deux chasseurs mais le mouvement dans les fourrés et la vision assez fugace d’une créature menue et blonde, s’élançant dans une fuite éperdue. Louis sembla pris de folie soudaine et se mit à crier en appelant la fugitive.

Hélène ?!?...Tu es…si tu le dis…Non ! Pas du tout…sais pas…l’imaginais pas en nymphe des bois, c’est tout !

Et vu qu’il ne pouvait le retenir, force fut de le suivre dans leur course folle à travers le bois, à la suite de la gracile figure qui fuyait devant eux. Plus rapide que Louis, le guerrier grec prit de l’avance et avec des ruses du bon vieux temps à l’appui, coupa la retraite de la belle qui, emportée par son élan, lui tomba dans les bras.

Oh là, ma jolie…

Mais la miss n’était pas d’humeur pour la conversation et n’agréait visiblement pas être retenue de la sorte. Avec une férocité difficile à soupçonner sous ces dehors si fragiles, la blonde fugitive se défendit avec griffes et dents, comme s’il y allait de sa vie.

Du calme…on ne te veut pas de mal !!! Hé, Louis…occupe toi de cette harpie…aouch !...elle a un couteau…Sauvage ! Mégère…

Elle venait de lui piquer les côtes, il la lâcha brusquement la laissant s’étaler au sol comme un fardeau encombrant. Louis, qui arrivait à la rescousse, eut beau faire étal de mots doux et gestes apaisants, il en prit aussi pour son compte avant que la douce créature ne détale, non sans avant les avoir voués aux Enfers, dans des termes choisis.

Tu m’avais dit que c’était la plus douce des femmes…t’es sûr que c’est elle !?

Suffisait de voir son air accablé pour savoir qu’il n’y avait pas méprise. Ses souvenirs, à lui, étaient encore trop chamboulés comme pour opposer une raison quelconque, il faudrait croire Louis sur parole et essayer de le ranimer un peu même si lui-même se sentait assez à plat après cette rencontre si démoralisante.

On va suivre sa trace…non, je ne suis pas un pisteur exercé, mais ton copain poilu doit bien savoir quelque chose…tu t’entends bien avec lui…il n’aura aucun mal à suivre ton harpie et son chat…

Hermès n’eut, effectivement aucun mal, à suivre la piste fraîche, qui les mena tout droit jusqu’à un arbre énorme, au creux duquel, s’il fallait y croire, logeait la belle…

Voilà…tu n’as qu’à rester là, monter la garde et lui tomber dessus dès qu’elle sort…

Louis n’agréait pas ses façons de brute pour mener l’affaire à bien et préféra s’y prendre à sa façon, à lui, sans doute bien plus délicate et diplomatique, en tout cas, il ne resta pas là pour le savoir.

L’air rêveur et les soupirs ravis de Louis, en le rejoignant des heures plus tard, suffirent pour le renseigner sur le succès rencontré. Il fallut l’entendre discourir sur les méthodes employées pour vaincre la suspicion de la belle sauvageonne, qui, pas tout à fait convaincue, avait tout de même prêté oreille à tout ce que ce bavard impénitent avait à dire et accepté de montrer le bout de son nez, sans le cribler de flèches. Selon Louis, la patience serait de mise pour venir à bout de ses craintes. Il s’y employa bellement, à l’exercer, sa patience, les jours suivants, désertant la compagnie du guerrier, lui laissant se débrouiller seul pour pêcher et chasser alors qu’il contait fleurette à la demoiselle des bois…

Quel moulin à paroles ! Cela faisait un très long moment que Louis l’assommait avec son babil. Si celui qui se disait roi d’un pays lointain et inconnu brillait par son incommensurable patience, il n’allait pas de même pour le guerrier, dont l’humeur tournait à l’aigre. Ils longeaient la rivière après une journée de pêche plutôt infructueuse et l’idée d’aller dormir ou essayer de, le ventre vide n’améliorait en rien ses états d’âme.

La surface de la rivière, si calme, se ridait. Achille s’arrêta soudain, l’oreille tendue. Il aurait juré avoir entendu un cri. D’un geste agacé, il somma Louis au silence mais n’entendit plus rien…Dépité, il poursuivit son chemin mais la sensation d’être observé ne le quitta pas. Plein de bonne volonté, Louis tint à faire un feu, sans doute ne perdait il pas l’espoir de le voir attraper quelques poissons avant que ne tombe la nuit. Plus pour avoir la paix qu’autre chose, Achille prit son javelot et s’approcha du bord de l’eau, scrutant la surface.

*Il y a toujours des poissons dans ce coin…à croire qu’ils ont fui…il doit avoir quelque chose qui les fait se tenir à distance…*

Il pensait à un quelconque prédateur, venu lui disputer l’exclusivité de la place…C’est alors qu’il put l’apercevoir, entre deux eaux, pas trop distinctement dans cette clarté grise qui précède la fin du jour. Assez grand pour expliquer la vadrouille des poissons ou leur disparition, engloutis par cette créature marine, sans doute assez vorace…Il mettrait rapide fin à la rapine d’un coup de javelot et ramènerait assez de quoi manger pour ne pas avoir à subir les plaintes de Louis, qui semblait le tenir comme son fournisseur attitré. Mais au moment de le lancer, surgi d’on ne sait où, une grosse bête poilue lui sauta dessus, lui faisant rater son coup…Au début, il pensa à Hermès mais le voir accourir au renfort lui fit comprendre sa bévue…

*Deux chats ?...Louis assure que…*

Louis assurait que chaque couple de leur groupe avait un gardien désigné…Si Hermès était là, l’autre ne pouvait être que…La vision fugace d’une magnifique queue de poisson s’immergeant dans l’onde troublée le saisit comme un coup de poignard, il devina la fuite éperdue de sa proie…

*Qu’ai-je fait !?*

Il resta là, à guetter les ombres, se sentant tout à coup parfaitement misérable…combien de temps ? Il ne le sut pas, dans le ciel, la lune avait pris sa place, ´éclairant la rivière de sa lumière argentée…Louis s’amenait avec ses questions mais un autre son, très distinct venait de frapper son ouïe… Un chant, qui s’éleva dans l’air tiède du soir…Lancinant, déchirant de chagrin…mélopée tragique qui l’attirait follement…Le roi n’eut le temps de le retenir qu’il plongeait déjà…

La créature avait trouvé refuge sur un rocher. Illuminée de lune, elle semblait irréelle, comme un rêve…C’était de sa bouche qu’émanait ce chant hypnotique, cette plainte endolorie. Une très longue chevelure sauvage couvrait la moitié humaine de son corps, le reste était une somptueuse queue de poisson, dont les écailles brillaient sous la lumière lunaire. Elle ne le vit pas, ni sembla pressentir son approche silencieuse, trop prise dans le chagrin irrémédiable qui semblait l’induire à chanter, alors que de gestes las, elle laissait couler de l’eau sur son bras ensanglanté.

Pardon…Pardonne moi, je n’ai pas voulu…je ne savais pas…

Elle sursauta et se tut, prête à la fuite en découvrant l’intrus, déjà si près.

Non…ne pars pas…ne t’en va pas…Je n’ai pas…voulu…

Pourquoi ce regard soyeux et triste lui faisait il si mal ? Parce qu’elle le regardait, sans un mot et il sentait son âme chavirer, son cœur s’affoler le faisant se savoir perdu. Le souffle vint à lui manquer et ses mouvements devinrent lourds, incapables de le faire se maintenir à flot, alors il coula, sans pouvoir résister au faible courant qui l’entraînait…La lumière argenté éclairait un univers inconnu, étrange, possessif cocon aquatique qui l’enserrait, l’emportait…mais elle venait vers lui, tendant ses bras, le saisissant, s’élançant avec lui vers la surface. Respirer…il pouvait respirer mais tout était si terriblement confus…à peine s’il eut conscience de se trouver sur l’herbe douce de la berge et non plus dans l’eau et Elle était là, penchée sur lui, écartant doucement les mèches trempées de son visage. Son sourire…son regard…

Qui…qui es tu ?

Elle posa un doigt sur ses lèves et sourit tristement avant de se laisser glisser vers l’eau. D’un réflexe insensé, il la retint du bras…son bras blessé, lui tirant une plainte.

Non…ne pars pas…dis moi…dis moi qui es tu ?...Pourquoi ?...Dis moi…au moins ton nom…

Louis assura l’avoir trouvé, échoué sur l’herbe, comme un poisson mort, à débiter des trucs incompréhensibles sur une créature mystérieuse…

Je ne suis pas fou…je n’ai pas rêvé…elle était là…j’allais me noyer…


Louis rigolait en assurant que ce n’était que l’impression, qu’il avait dû se prendre un drôle de coup sur le crâne en plongeant sans regarder où mais quand Achille, défait et confus, avoua le nom soufflé par la créature, toute envie de rire s’enfuma.

Sissi…

Sa voix s’était étranglée en sanglots douloureux…


Dernière édition par Achille, héros de Troie le Dim 28 Aoû - 14:53, édité 1 fois
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Louis XIV

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MessageSujet: Re: Courant d'air.   Courant d'air. - Page 4 EmptySam 23 Juil - 19:25

Incroyable mais vrai ! On ressuscite deux fois ? Chic !
D’accord, sur le coup, Louis ne pigea pas trop de quoi il retournait. Il avait des blancs bizarres mais s’accommodait avec.
Rencontrer Achille lui parut la chose la plus merveilleuse qui soit sauf que son ami ne le remettait pas du tout.


*Un bon repas, et il sera sur pied*

La préparation des poissons se fit très naturellement. Au moins le grec était-il moins démuni que lui. Il possédait une tente de belles proportions, un feu assez surprenant et divers ustensiles très utiles.

Dommage que tu n’aies pas d’épice mais on a vu pire, hein ? Tu te souviens de la fois où…

Conscient d’agacer Achille avec son babillage, - comme d’habitude - Louis ne le poursuivit pas moins. Il voulait surtout stimuler la mémoire de son ami et réfléchir à la singularité de la situation.
Alors qu’il lui racontait une de leurs multiples chasses antérieures, le roi s’interrogeait :


*Pourquoi ne se souvient-il pas ? Je n’ai rien oublié, moi ! Je sais toujours cuisiner, et me rappelle absolument tout sur nos amis, nos rencontres, nos amours…*

Sans se départir de sa belle humeur malgré une certaine inquiétude quant au sort des leurs autres compagnons, il narra leurs aventures en compagnie de Richard, Amelia, Hélène, Philippe et Sissi.

*Bizarre, chaque fois que j’évoque Sissi, on dirait qu’il souffre… et, par Dieu, je ne l’ai jamais vu verser tant de larmes ! On me l’a changé ou quoi, mon Chichille ?*

Il en était affligé d’autant que le grec s’énervait de son manège :

Tu peux parler des heures…c’est le vide…si je m’efforce d’attraper un souvenir…je ne me sens que pire…c’est une malédiction, j’en suis sûr…et quand tu me parles d’elle…c’est pire encore.

Elle te manque beaucoup, penser à elle est douloureux, c’est ça ?

Non ! C’est comme si on avait effacé ma mémoire…la dernière chose que je garde claire…est…ma mort…après…je t’ai déjà dit…ce réveil…et puis…sais plus rien…ou si peu…Désolé…il semblerait que j’ai égaré par là des fameux moments…

Tu peux en être assuré ! La montgolfière, quelle histoire !

Plusieurs jours d’affilée, le monarque remit ça, se désolant souvent du manque d’entrain de son ami. Un comble ! Il avait l’impression de soutenir Achille alors que, d’habitude, c’était le contraire.
À croire que le héros se satisfaisait de sa situation et n’avait plus goût à rien.
Lui se languissait de sa belle Hélène et, il ne passait pas une nuit sans qu’il s’angoisse affreusement à son sujet.


*Si douce, délicate ! Si elle est aussi perdue qu’Achille, la pauvre doit être affreusement démunie !*

Il lui avait juré protection et comptait bien tenir parole. Aussi amena-t-il doucement Achille à suivre ses vues :

Nous devrions plier bagages et nous mettre à la recherche de nos compagnons. N’as-tu pas envie de changer d’horizon ? De faire rendre gorge à ceux qui nous ont mis là-dedans ? Allez, mon vieux ! Tu étais un guerrier invincible. Tu ne vas pas te laisser abattre par quelques tours de passe-passe !
On va dénicher une pierre magique pour renflouer nos avoirs, puis tu verras tout ira bien !


Aïe ! Non seulement Achille ne savait plus rien au sujet des cailloux mais, de plus, se sentait bien à s’encroûter sur place. Le roi sans royaume l’asticota tant est si bien qu’il céda enfin.
Hermès menait le train. Louis espérait que le félin les mènerait à leurs amis.
Fidèle à lui-même, Louis ne tarissait pas d’évocations antérieures et, même s’il démontrait parfois son habilité à la fronde ou astuces- il signait régulièrement sa réputation de gaffeur.
Là, Achille venait à nouveau de lui sauver la mise. Tout à son discours, Louis n’avait pas vu qu’il frôlait la crête d’un gouffre et sans la poigne de son pote…


Mer… Merci, Achille !

Il en pleurait presque de reconnaissance.

Pas la peine de tirer la tête pour ça…faudrait seulement que tu parles moins et sois plus attentif à où tu mets les pieds…

Piquant du nez au sol, Louis soupira :

Je sais, je suis un poids, un boulet. Tu n’as jamais cessé de me le reprocher, maintenant comme avant...

Non, c’est pas un reproche…dis donc, t’as l’âme sensible, toi !...


J’y peux rien…

On oublia les discussions un moment. D’autant qu’il s’en souvienne, Achille n’était pas particulièrement doué pour relever des traces de gibier ou autres. Or là, il semblait avoir découvert une empreinte fraîche d’un pied menu accompagné de celle de félin.

C’est merveilleux ! Si ça tombe, c’est Bagheera ou alors le chat d’Amelia ou encore celui de Philippe ! On doit…

… Ferme la un moment…on va suivre la trace…qui sait ?...

Louis ne demandait pas mieux ! Un espoir fou au cœur, il domina sa vivacité coutumière et observa les alentours non sans quitter Hermès des yeux. Si quelqu’un pouvait flairer un des siens, c’était bien lui !
Cela ne rata pas. Un peu plus loin, deux hybrides se rejoignirent, semblant ravis des retrouvailles. Dans la mêlée joyeuse des animaux, impossible de distinguer à qui appartenait l’autre. Ils se ressemblaient tant ! Qu’importe ! Louis sut immédiatement qui accompagnait l’animal. Furtive, une magnifique Diane chasseresse détala à leur approche :


HÉLÈNE !... Si c’est elle ! J’en suis sûr ! Tu ne l’as pas reconnue ?

Éperdu, il se lança aussitôt dans une course folle. Même elle, Achille ne la reconnaissait pas. Elle lui avait paru assez différente mais son cœur ne pouvait se tromper. Achille, plus grand, plus rodé à ce genre d’exercice tomba sur la belle en premier. Mieux qu’une tigresse, elle se défendait des griffes, des dents et… du couteau.

Du calme…on ne te veut pas de mal !!! Hé, Louis…occupe toi de cette harpie…aouch !...elle a un couteau…Sauvage ! Mégère…

Ma douce, mon cœur ! C’est moi, ton Loulou ! Pourquoi est-ce que tu…

Avec un langage inédit, elle l’apostropha bellement si bien qu’il en resta comme deux ronds de flan et la laissa déguerpir. Chaviré, dépité, Louis ne comprenait pas.

Mais, mais…


Tu m’avais dit que c’était la plus douce des femmes…t’es sûr que c’est elle !?

Oui, absolument. C’est elle et… ce ne l’est pas. Euh, t’as pas de mal au moins ?

Achille se fichait comme d’une guigne de la piqûre de dard reçue. Il suggéra de reprendre la traque à l’aide d’Hermès que Louis convainquit facilement de reprendre la piste toute fraîche.
Un peu plus loin, ils aboutirent à un immense tronc d’arbre manifestement habité.


Voilà…tu n’as qu’à rester là, monter la garde et lui tomber dessus dès qu’elle sort…


Lui tomber dessus ? Tu en as des bonnes, toi ! Une femme se mérite, s’apprivoise, et pas avec des manières de barbares ! Éloigne-toi, je vais… essayer de l’amadouer.

Tandis que le héros tournait les talons (…) Louis réfléchit à la tactique à employer. Il n’avait aucune envie d’être troué des flèches entrevues s’il se montrait trop empressé.
Il s’assit à faible distance et entama un discours tendre et passionné en y mettant toute sa ferveur :


Hélène, ma chérie, je suis Louis, ton Louis. Tu ne me reconnais sans doute pas. Achille non plus ne l’a pas fait. Nos chats se connaissent, eux ! Tu l’as vu n’est-ce pas ? Cela prouve ce que je dis quand j’affirme que tu es la brise qui rafraîchit sous ciel torride, l’eau qui abreuve l’assoiffé, le mirage doré que tout solitaire envie. Tu m’aimais Hélène. Je t’ai juré protection et amour fidèle. Ne m’abandonne pas ainsi. Je n’ai pas mérité ça.

Du côté de l’arbre, aucune réaction. Pas découragé pour autant, Louis persévéra en racontant de multiples anecdotes vécues ensemble peu avant.

Nous t’avons trouvée avec Elisabeth d’Autriche alors qu’une bande de petits salopards voulaient vous sacrifier. Avec nous, il y avait Richard et Amelia… Nous avions un ballon que l’on a fait voler avant qu’un orage nous abatte. Tu as si bien soigné mon épaule, ma douce !

Il raconta tous les faits qui lui vinrent, espérant un signe, une approbation voire une apparition mais rien.

Je suis très malheureux sans toi, Hélène. J’ignore ce que l’on nous a fait, pourquoi tu te comportes ainsi avec moi qui suis et reste ton plus fervent adorateur.
Hermès, c’est toi qui l’as nommé ainsi, nous a réunis. Il veut que nous nous retrouvions. Il doit en être ainsi.


Que de palabres, sans manifestation. Il finit par se lever, épuisé.

Parler donne soif surtout par cette chaleur. Puis-je escompter me désaltérer ?


À pas mesuré, sans précipitation, il avança vers l’ouverture du tronc. Une main dépassa, posa un récipient au sol et se retira. Louis le prit, but et le reposa à la même place.

Je n’essaierai pas d’entrer tant que tu ne le voudras pas. Nous allons rester à proximité. Je reviendrai te voir ou peut-être, toi, viendras-tu.

Le nez fin et délicat se pointa. Pas de vocifération, ni déclaration. Louis la larme à l’œil la dévora des yeux.

Je reviendrai, ma mie.

Puisqu’elle sembla agréer, une chanson plus tard, Louis rentra au camp, heureux.
Force fut de narrer ses exploits au guerrier qui n’en avait rien à cirer. Il conclut :


On va s’incruster dans le coin et, tous les jours je retournerai là-bas. Je finirai bien par la convaincre de se joindre à nous. Qu’est-ce qu’on mange ?

Entre parties de pêche, cueillette de fruits et visite à sa belle sauvageonne, Louis ne s’ennuya pas une minute. N’ayant jamais eu besoin de beaucoup d’heures de repos, il multiplia ruses et astuces pour attendrir sa belle. Il lui porta des poissons frais grillés, des sujets de bois sculptés pendant ses longues nuits d’insomnie, des fruits, des fleurs, tout ce qui lui tombait sous la main. Et, bien sûr, chaque offrande s’accompagnait d’évocations du passé. Assis à distance, Louis conta :

La chasse au mammouth fut épique, mon cœur. Tu as dû soigner le fils du chef après ça ! J’étais fou d’inquiétude à ton sujet, même si j’avais mon frère en compagnie des autres hommes. Je me demande ce qu’il est devenu mais te retrouver compte plus.

Chaque « cadeau » était raflé dès qu’il le déposait. Parfois, en échange, elle lui accordait une apparition furtive, un gobelet d’eau, voire un semblant de sourire. Lorsqu’elle consentit, un après-midi, à sortir de son antre, il prit grand soin à ne pas courir à sa rencontre. Hermès s’en chargea. Elle ne le chassa pas.
Quelques paroles, des doutes, des questions, il répondit à tout sans rien forcer, jamais.
Sûr qu’elle s’amadouait et ne répugnait pas à sa présence, cette fin de journée-là, Louis rentra assez satisfait de l’avancée des pourparlers. Il en fit un compte-rendu à son ami à qui il trouva une drôle de tête. Il est vrai que la pêche s’avérait plutôt infructueuse, ces deniers temps. Louis, habile à la fronde et à l’arc, avait apporté de quoi se sustenter mais son appétit demeurait immense. Le temps passé à séduire Hélène ne compensait pas la perte de proies comestibles.
Il alluma le feu, souhaitant qu’Achille trouve de quoi remplir leur estomac.
Des bruits anormaux attirèrent son attention.


*On se bat ? Un plouf ? Qu’est-ce que…*


Il courut à la berge où il trouva un Achille assez décomposé, troublé :

Tu as vu quoi ? ... Hein? Où est ton javelot ? Tu as raté ton coup ?


Mais déjà une mélopée inouïe résonnait dans le silence de la nuit tombée. C’était beau, affreusement mélancolique et comme… irrésistible ! Pour Achille, en tout cas. Quoiqu’il tentât pour retenir son ami, celui-ci plongea :

*C’est le chant d’une sirène ! Elles attirent les hommes pour…* ACHILLE REVIENS ! C’EST UN PIÈGE !

Autant parler à un sourd. Se mouiller, courir après lui ? Ah, non alors ! Louis préféra se boucher les oreilles à la main d’abord puis avec de la mousse.

Ces Grecs et leur mythologie !

Il tourna un peu en rond, ne sachant pas trop que penser de cette affaire. Cela dura tellement qu’il fabriqua une torche et partit en exploration le long de la berge. Un soulagement immense le pénétra lorsqu’il vit Achille trempé sur la rive. Il débitait des trucs complètement dingue.

Allez, remets-toi. On a halluciné. Peut-être à cause des champignons de midi. Les sirènes ça n’existe que dans vos contes !


Le héros tenait à sa version :

Je ne suis pas fou…je n’ai pas rêvé…elle était là…j’allais me noyer…

Mais oui, bien sûr. Les sirènes sauvent les gens, tout le monde sait cela. Allez, reprends-toi ! Elle avait un nom, cette merveilleuse créature si gentille ?


Sissi…

Si… Sissi ?


Étranglé par l’énormité de la révélation, Louis prit sur lui de ramener Achille au camp :


Hallucination, te dis-je ! Tu as imaginé ce nom parce que je t’en bassine tous les jours. Je t’assure que ton Elisabeth avait de très belles jambes, et rien d’un poisson. C’est dû aux champignons !

N’empêche qu’après avoir bordé Achille jusqu’à ce qu’il s’endorme, Louis retourna à la berge.
Autant en avoir le cœur net. Doucement, il siffla. Hermès qui l’avait suivit obéit à son injonction. Il Fila dans les fourrés, y fureta un peu puis ramena avec lui… son parfait sosie.


Bagheera, souffla Louis incrédule. Si tu es là, c’est que Sissi l’est aussi. Achille n’a donc pas menti, ni rêvé. Où est ta maîtresse ? Où est Elisabeth ?

Le « chat » se contenta de patauger au ras de l’eau dans un va-et-vient soutenu. L’évidence frappa Louis :

Elle serait réellement poisson ? C’est ça que tu veux me dire ?

À la guerre comme à la guerre, s’il fallait se mouiller pour tirer l’embrouille au clair : on nagerait.

L’eau n’était pas glacée quand le roi y entra. Aucun des chats n’accepta de l’accompagner, hélas. Pas de chant pour le guider non plus, tant pis
.

*Achille a dit qu’il était en train de se noyer et qu’elle l’avait tiré de là… j’espère qu’elle ne dort pas ! *

Marrant mais lui qui d’ordinaire nageait comme un fer à repasser se trouva parfaitement à l’aise dans cet élément. Arrivé au milieu des flots, il coula. Faisant mine de se débattre, il lâcha des cris en bulles d’air.
Il avait presque épuisé ses réserves respiratoires quand il se sentit happé par… la tignasse. Tracté, malmené, il creva bientôt la surface. Ses halètements terminés, sous la lune étrange du monde du fleuve, il la vit. Ému, il l’étreignit follement :


Sissi ! C’est bien toi ? Je ne croyais pas Achille quand… Eh, file pas ! On doit causer !


Il se prit un coup de caudale dans les tibias mais ne démordit pas, la saisissant au bras avant l’immersion :

Pourquoi tu pleures, Tu as mal ? Oh, bon Dieu l’abruti ta filé du javelot. Écoute, je suis sûr qu’il ne l’a pas fait exprès. Il s’en veut. Tu devrais le voir, il est très malheureux… Tu me reconnais quand même ? Tu l’as reconnu, lui, non ?

Mince de mince, l’affaire n’était pas gagnée : elle ne voulait voir personne. Comble de tout, Louis constata qu’il serrait un corps à moitié dénudé. Heureusement, il ne pouvait pas distinguer grand-chose de l’anatomie particulière de la dame poisson. Néanmoins, frais gardon un jour, gardon toujours ! Sens éveillés, il dut prendre sur lui et penser fortement à Hélène pour briser certains élans aventureux.

T’as pas un point de chute ? J’ai pas d’écailles, moi… Excuse-moi, je ne voulais pas te vexer…

Comme vaincue, elle le guida sur un rocher où elle refusa de monter. Il eut beau lui assurer qu’il ne regarderait pas, elle préféra rester dans l’eau, tête et bras dépassant.

Je ne t’en veux pas de ne te souvenir que vaguement de moi. Si tu te sens mal en pensant à Achille ou à ta vie antérieure, sache qu’il en va de même pour nos compagnons.

Et de lui brosser un tableau succinct de ce qu’il savait et devinait.

On nous a, euh… jeté un sort ou quelque chose du style. Hélène est devenue une espèce d’amazone… Elle est farouche et elle mord. Raconte-moi donc ce dont tu te souviens, toi.

Elle prit son temps. La pauvre était encore toute retournée par ses récentes mésaventures. Il est vrai que ce n’est pas tous les jours qu’on se réveille sirène et doit vivre avec…
Mis au courant, compatissant, Louis réfléchit très vite :


Bon, si tu as des jambes pendant quelques heures, on va pouvoir s’arranger. Je vais rentrer au camp et te chercher des vêtements. Tu retourneras dans l’eau chaque fois que ce sera nécessaire. On n’a pas de bouffe pour le moment, mais ne t’en fais pas on trouvera une solution. Ça te va ?


Elle hésitait beaucoup, prête à pleurer à nouveau.

Si tu penses qu’Achille ne voudra plus de toi parce que tu es, euh… différente, je n’en crois rien, moi ! Accompagne-moi jusqu’à la berge, s’il te plaît.


Se tenant à distance de peur de la toucher et de l’effaroucher, Louis nagea bravement dans le flot calme. Dans sa tête bouillonnaient des idées assez farfelues genre recettes de soupe à la sirène ou autres délires culinaires. Il ne ferait aucun mal à Sissi, bien sûr, n’empêche que c’était marrant comme situation… enfin vu de son côté. Pour elle et Achille, il en allait autrement, sûrement…

Laissant l’impératrice aux écailles au bord du fleuve, Louis galopa jusqu’à la tente dressée non loin. Même en se voulant silencieux, son remue-ménage réveilla le guerrier.


… Ce que je fais ? Euh… du rangement. Je suis trempé ? Ben oui, j’ai été me baigner. J’ai le droit, non ?

Oh, là, là ! Il la prenait mauvaise. Redressé, il lui saisit le collet. Quasi étranglé, Louis couina :

Oui, tu as raison ! T’es content ? Mais lâche-moi ! J’ai rien fait de mal… oui, oui, je l’ai vue, c’est bien ta Sissi ! Elle est triste à en mourir… Ta faute ? Euh… Un peu, tu aurais quand même pu éviter de la blesser ! Je lui cherche des fringues, si tu veux le savoir ! Mais arrête de me secouer comme un prunier ! J’ai rien vu *ou si peu !* si ça peut te rassurer… Oui, elle m’attend sur la rive. Je lui ai promis de lui rapporter des vêtements mais on a si peu de chose…

Bon a mal an, Achille se calma et fouilla leurs ressources avec lui. À part leurs couvertures, ils ne possédaient pas grand-chose qui puisse convenir. Ils sortaient de la tente avec l’objet quand ils se figèrent. Rarement Louis avait été soufflé par une apparition. Il savait Sissi mignonne mais là… Rien que vêtue d’un court pagne de feuilles, le buste couvert par sa chevelure abondante, elle était… troublante. Louis revint à lui plus vite que son compagnon.

Tu as retrouvé tes jambes, elles sont très… euh… voici de quoi ne pas attraper un coup de froid ! *tu parles, il fait très doux pour une nuit* Oh ! Tu as apporté des poissons et des… langoustines ? C’est splendide. Je m’en occupe ! Assieds-toi, fais comme chez toi !


L’embarras était palpable. Sissi et Achille se dévisageaient avec un tel regard… douloureux ? Louis se sentit de trop mais il avait faim. Il se plongea dans la préparation rapide d’une soupe aux oignons sauvages, sans piper mot, laissant les deux autres reprendre contact.
Les chats surgirent de l’obscurité pour se joindre au trio, manifestement très satisfaits de se retrouver, eux !
La soupe cuisait, les chats ronronnaient, Achille et Sissi entamaient une discussion, Louis se jugea très importun. Il se leva :


La cuisson prendra un peu de temps. Je vais voir si, par hasard, Hélène acceptera de dîner avec nous.


Il en doutait fortement mais qui ne risque rien n’a rien. Plantant le couple, le roi partit à travers bois vers le gros arbre très attractif depuis quelque temps. Il connaissait le chemin par cœur et s’orienta sans faillir.
À distance, il s’annonça :


Bonsoir mon doux cœur. Hélène, je sais qu’il est tard mais j’aimerais beaucoup te voir. On vient de récupérer Sissi. Je t’en ai parlé. Vous étiez de très bonnes amies. Si tu as un peu changé… elle a changé encore plus. Je sais que ça va t’apparaître comme une farce, mais je te jure que c’est vrai : Sissi est une sirène. Elle peut sortir de l’eau avec des jambes *et quelles jambes !*. Là, elle nous a apporté à manger. J’ai une soupe sur le feu… On serait tous contents si tu pouvais… si tu voulais… Sissi a aussi besoin de vêtements… Je t’en prie, mon amour. Si tu ne sors pas pour moi, fais-le pour elle.

Empli d’espoir, il s’assit et attendit.
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Amelia Earhart

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MessageSujet: Re: Courant d'air.   Courant d'air. - Page 4 EmptyDim 24 Juil - 17:04

Toc !Toc ! On frappait à sa porte. Inusuel quand on vit au milieu de rien et on n’attend pas de visite. Amelia se redressa, tendue, en alerte totale…ce ne pouvait être que…

*Fichu bonhomme !*

ALLEZ VOUS EN !!! VOUS N’AVEZ RIEN À CHERCHER ICI !!!

Mais il était dit que l’étranger avait des idées bien à lui et pas des moindres, il faut dire.

Non, je ne partirai pas. Je ne désire rien d’autre que le gîte et le couvert…

*Rien que ça !? Il me prend pour qui celui là ?*

Fichez moi le camp…et de suite…sans ça…

*Sans ça quoi, ma fille…sans ça, quoi ?


Et l’autre qui n’en démordait pas. Troublant, quand même, tant d’entêtement !

Je… J’aimerais me présenter mais, je… Je ne sais pas qui je suis ni d’où je viens, je vous jure que c’est la vérité…

*Ah bon !?...Un paumé, quoi !*

Écoutez…veux pas d’intrus…en plus, votre bestiole…j’en veux pas, moi !

Il avait réponse à tout.


Ma bestiole ? Elle est là et n’entrera pas si vous ne le voulez pas.

Elle se fichait assez du gros chat, c’était plutôt sa présence à lui qui la mettait mal à l’aise. Se plaquant contre le mur, Amelia se frappa le front, agacée.

*Ça en a des bonnes…venir demander gîte et repas, manque pas de culot, ce mec…*

C’est pas un hôtel…allez chercher ailleurs, vais pas vous héberger !!! Sais pas qui vous êtes, vous non plus d’ailleurs…ça donne quoi, à votre avis !?

Rien de plus ridicule que de parler à travers une stupide porte qui ne tiendrait pas le coup s’il décidait d’y flanquer un coup d’épaule, en y pensant bien, cela affermissait l’idée de ses bonnes intentions.

*Et quoi ? C’est ça, Amelia, joue les bonnes samaritaines…t’iras au ciel tout de go !*

Vous n’avez pas confiance ?

C’est le moindre à dire !, grommela t’elle, de son côté de la porte.

Du sien, Monsieur l’inconnu, y allait de sa petite idée.

J’admets qu’il est difficile à une femme seule d’accueillir n’importe qui chez elle…

Mon Dieu, que vous êtes perspicace !...Euh...mon mari n’agréerait certainement pas que je vous laisse entrer…

*Un mari ? Mince, ma vieille, tu vas les chercher où, tes idées ?...*

L’autre se marrait pour de bon.


*Ça a quoi de comique que j’ai un mari ?...C’est un droit universel, non ?...Tu radotes, chérie !*

Elle l’agaçait, sa conscience ou ce que cela voulut être, avec ses répliques acides et ses idées si bien tournées.

Ah ? Un mari. Je comprends d’autant mieux que vous ne désiriez pas d’intrus chez vous. Mais je ne partirai de toute façon pas. Je pourrais défoncer votre porte et jeter mon chat sur vous ou alors… vous me laissez entrer gentiment et je vous autorise même à m’attacher toute la nuit. Qu’en dites-vous ?

*La vache ! Il marche pas…et puis m***e ! L’a pas l’air trop méchant…IDIOTE !*

N’empêche, que le loquet joua…et qu’elle alla se placer le plus loin possible de la porte. Son cœur battait à rompre, une angoisse folle la prenait à la gorge, un émoi sans nom.

*Bon sang, Earhart…nigaude, ce n’est qu’un homme…un simple être humain qui a faim…Ouais…et puis quoi !?*

Bon, fallait reconnaître que la suspicion était de mise. Les choses étaient déjà assez étranges depuis un temps comme pour ne pas se faire certaines idées. Allez savoir pourquoi, elle se retrouva en train de refouler une nouvelle attaque de larmes. Manquerait que ça…qu’il la surprenne en train de pleurnicher comme …

*Comme quoi ?...Sais pas…ça fait mal…suis affolée…ça me brise le cœur…Amelia tu deviens définitivement…mièvre !!!*

Snif. Le beau reniflement. D’un geste agacé elle élimina toute trace de faiblesse et regarda, comme hypnotisée, la porte qui s’ouvrait doucement. Il passa la tête et...sourit ?...Ben oui, il souriait. Sans doute la découvrir armée du gros couteau de cuisine devait lui sembler hilarant.

*Aura pas tort…l’est bâti comme un ours…un coup de patte et t’es foutue, ma belle !*

Je crois avoir connu des accueils plus… accueillants. J’ôterais bien mon chapeau pour vous saluer si j’en possédais un. Je n’ai que ceci en fortune…

Il aurait ému le plus rétif des cœurs, en posant son bien sur la table et se reculant, soumis tout en y allant de sa petite histoire….ridiculement semblable à la sienne…mais, bien sûr, elle n’était pas prête à l’avouer de sitôt.

Dites donc, ça sent rudement bon chez vous ! Je peux ?

Soupir. Tant qu’à faire, puisqu’il était déjà dedans…


Vous gênez pas…

Il ne le fit pas, alors pas du tout ! Servi et attablé, il dévora le ragoût comme s’il n’avait vu de nourriture depuis un bon moment.

MMmm, c’est délicieux ! Votre « mari » a bien de la chance de posséder un tel cordon bleu ! Je crois que même Louis est battu, là ! … J’ai dit Louis ? Je…

Ça fit mal. Comme un coup de poinçon au crâne. Louis ? Louis ? Ça lui disait bien quelque chose mais…quoi ? Elle se massa la tempe, embêtée par cette réaction inattendue et observa son hôte de fortune, il ne semblait pas aller mieux.

Ça va pas ?, voulut elle savoir.

*Paumé de chez paumé…ou je bouffe la louche !*


Excusez-moi… On dirait que ça éclate dans ma tête chaque fois que je veux me rappeler des trucs anciens. On oublie ce que j’ai dit, hein ? C’est trop bon pour être gâché.

*Ah bon !?...Au moins ça…*

Il dévora son festin, sans grandes manières. Son rôt la fit sursauter, en fronçant les sourcils ce qui sembla, encore une fois, l’amuser au delà de tout.

*Il a des manières de cochon et se marre ?...On aura tout vu ! Allez, ma puce…pour ce que tu t’en souviens…Ta gueule !*

Ce débat interne devenait agaçant…alors là, vraiment agaçant. Et Monsieur qui en rajoutait une couche.

Pas d’offense, Miss. Pour certains peuples, ce serait plutôt considéré comme un hommage à vos talents culinaires. Au fait, vous êtes Mrs… quoi ?

Earhart !

L’autre prit un petit air réfléchi, pas moins moqueur pour autant et émietta allègrement les faits.

Earhart ? Connais pas. Et votre mari, il est où ? … En déplacement ? Il a dû aller loin pour emporter toutes ses affaires avec lui !

*Et zut ! Manquait que ça…un paumé perspicace !*

Euh….ben…il…en avait besoin, de ses affaires !

*Ouais, sûr…demain la veille qu’il marche avec l’histoire…t’es bête, ma jolie…bêeeeeeeeeete !*

Votre petit nom, c’est quoi ? A… Amelia ?

*Hein ? Il sait ça comment*…Mince...il vire au vert…*


Ça tourne pas trop bien…hein !

*C’est fou ce que tu deviens sympa, toi !*

Et le pauvre qui s’accrochait à la table pour ne pas valser ailleurs mais reprenait quand même ses esprits pour la rassurer.

Ça va ! Ne tirez pas cette tête. Passez-moi plutôt cette corde…

La corde !?

Là, c’était à elle de se perdre un peu.

Ben, je vais m’attacher pour dormir, vous vous rappelez le marché ?


*EUH…il y tient, à son fichu marché…*

Elle n’y pensait plus mais tant qu’à faire, lui jeta la corde et le regarda faire ses jolis nœuds, se les passer aux chevilles et au poignet pour demander enfin son aide, non sans cette ironie qui semblait lui être si propre.

Occupez-vous de l’autre, suis pas contorsionniste. Faudra aussi me dire où sautiller pour m’allonger…

Pas si malin que ça, pourtant ça lui demanda un énorme effort de volonté. Ce n’était pas la peur qui la coinçait, ça allait bien au-delà…De la pure panique ?...Semblable mais pas pareil. C’était un émoi indescriptible, mélange de désespoir, émoi fou et chagrin sans nom. Ça serrait le cœur, nouait la gorge, la privait d’air, de logique…de tout…

Meel…

« Meeley…Meeley ! »


Et il s’écroulait. Là, sans plus. Pratiquement dans ses bras, l’anéantissant d’une douleur folle…Elle le serra contre elle, en pleurant comme une folle, caressant ses cheveux drus, son visage, cherchant à savoir…sachant sans le faire.

Non…ne me fais pas ça…NON !...Reste avec moi…Dick !

Quelle douleur cinglante, telle pointe de flèche, tel poignard dans le cœur…

*Tu es folle…tu es FOLLE !!!*


Pour une fois elle ne trouva rien à redire à cette incommodante conscience. Elle se trouva, allez savoir où, la force et des gestes de mère ?...enfin pas si maternels que ça…pour l’accommoder sur la paillasse apprêtée, tendue d’un drap frais, bouffant l’herbe fragante sous sa tête pour qu’il n’eut pas mal d’oreiller, le contemplant, au-delà de tout émoi…ou dans tout l’émoi possible, la bouche sèche, le cœur à mille.

C’est toi, dis…c’est toi ?...

Peu importaient les raisons ou le manque de…sa raison à elle, si dingue fut elle, dicta ses gestes, la faisant s’allonger là, tout contre lui, en sentant son âme se déchirer, sans savoir pourquoi, retrouvant dans cette proximité la chaleur qui lui manquait, la consolation à ces peines sans nom qui avaient emprise sur son esprit à la dérive, juste avant de sombrer, comme si une massue s’était abattue sur sa tête.

Étrange réveil. Sa première réaction fut de fuir, échapper, se cacher, disparaître…pourtant, il faisait si bon, là. Endormi, il la serrait contre lui, possessif. Affolant d’une tendresse sans mots. Sa respiration calme, au creux de son cou évoquait des bonheurs inédits dont elle ne gardait qu’un soupçon de souvenir. Elle ne savait rien en sachant tout du même fait. S’il était là le monde tournait en rond…sans lui, c’était le vide…

*Tu es folle…et bien quand même !*

Avec des ruses de sioux, elle se glissa hors de cette étreinte rassurante. Dehors, le jour pointait…et on grattait discrètement à la porte. Sans besoin de se questionner, Amelia ouvrit le panneau. L’animal la regarda d’un œil doux et donna un coup de tête à ses jambes.

Bonjour, toi…tu veux entrer, hein ? Pas de souci...ton maître, il dort comme un ange…Sage bête…que tu es doux…viens là, ami…

Pas besoin d’en dire plus. La bestiole démesurée devenait un chat câlin, ronronnant comme un dingue, fou de bonheur, réclamant plus de caresses…

Elle lui servit le reste du ragoût qu’il goba sans respirer avant d’aller s’allonger aux pieds du dormeur


*Reprends tes esprits, ma jolie…ça te mène à rien, cet émoi !*

Mènerait , mènerait pas. Du coup, cela devenait le moindre de ses soucis…elle ne pensait plus. Le savoir là, la comblait. Pourquoi ? Amelia ne voulait pas y penser, non plus…Autant occuper ses mains pour distraire sa tête.

Bonjour !

La belle sarabande de son cœur. Ça y allait si fort, qu’elle craignit qu’il ne l’entende. Gros effort pour demeurer tranquille. Respirant profondément, elle se tourna vers lui pour le considérer paisiblement mais stupidement mue par le besoin de l’approcher, élan qu’il coupa court.

NON ! Je… S’il vous plaît, n’avancez pas. Je ne sais pas comment appeler ça mais… vous me faites un drôle d’effet…

Suffocation.

Je..comprends…c’est…ça me fait aussi…euh…quelque chose !

Vous aussi ? C’est, euh, curieux. En tout cas merci de m’avoir hébergé.


*Merci Dieu des hommes au sommeil lourd…triple niaise !


Que son gros minet lui saute pratiquement dessus sembla le combler d’un bonheur presque enfantin, il gratta la grosse tête alors que minet ronronnait à qui mieux mieux.

Vous l’avez laissé entrer ? Vous voyez, c’est un sage gamin !...

Elle se trouva l’esprit de sourire, rassérénée.

Oui…il l’est…d’ailleurs, et faute de mieux je l’ai appelé Sage…il semble agréer et…ça lui…va si bien.

Il trouva l’idée marrante mais passa aussitôt au côté pragmatique de cette affaire décousue.

Euh… ça vous ennuierait de me libérer… pas la peine d’approcher, juste me donner le couteau…

Pincement au cœur. Ne pas l’approcher ? Pourquoi diables cette requête lui faisait elle si mal !?

Non…on ne peut pas couper cette corde…avez-vous une idée de ce que ça coûte avoir une bonne corde ?

Elle n’en savait rien mais qu’est ce que cela pouvait bien faire. Décidée à n’en faire qu’à sa tête, Amelia s’accroupit et s’affaira à défaire les nœuds. La suite la prit de court…Elle ne s’était jamais attendue à être happée de la sorte et encore moins embrassée comme elle le fut…Brutal ? Cela aurait pu le sembler au premier abord…mais non, cette bouche, collée à la sienne éveillait bien d’autres sensations que celles d’être brutalisée…elle parlait de besoin fou, de faim, de désespoir, de tendresse folle…d’amour !?!?

De douleur ! Douleur étrange, atroce, cinglante qui l’entraîna dans un néant flou, incertain, écroulée, anéantie, défaite d’on ne sait trop quoi, tombant sur lui qui semblait abattu par la foudre…Combien de temps ? Amelia n’en sut rien…Dehors, le soleil avait fait son chemin, près d’eux, le gros chat les couvait d’un œil…ému ?
Ils revinrent à eux, ensemble…comme si le même mal qui les avait frappés, s’occupait de les faire éveiller à l’unisson, pour rester là, à se regarder, sans trouver d’explication ni la chercher non plus. Un soupçon de douleur vrillait encore son crâne mais ce n’est pas pour autant qu’elle songea à bouger.


C’est fou…dément…débile…

Tiens, il était d’accord, avouant sentir sa tête prête à exploser.

Ça…me fait mal…aussi…mais…

Mais qu’est ce que cela pouvait faire ? Il était là…

Je…ne sais pas qui tu es…

Encore un détail sans importance.

Ni pourquoi tu es là…


Comme si ça pouvait changer quelque chose !


Je ne suis pas folle...je ne le crois pas…ou il faudrait !?...Suis je folle ?...

Et si oui, quel problème !?

Ça m’est égal…j’en ai besoin…De quoi ?...ben…de savoir que tu es là…J’ai peur…non, je n’ai pas peur…seulement mal…

Il la considérait, grave, mais au fond de son regard persistait un éclat enjoué, ironique…un tantinet narquois…Elle hésita un instant, soupirant puis lentement sa main monta vers son visage et caressa sa joue râpeuse.

C’est de toi que j’ai mal…de toi…

Drôle d’aveu à faire à un inconnu…mais du coup Amelia commençait à s’en ficher des raisonnables raisons que son esprit pratique voulait opposer.

Je…ne comprends rien…pourtant…je sais...je pressens…un avant…quand ? Je n’en sais rien…Je suis morte…c’est compliqué à expliquer…ah bon !? Toi aussi…comment le sais tu ?

Ses raisons étaient plus qu’acceptables. Qu’elle avoue les siennes sembla le secouer…Il ne savait rien d’avions, en fait il ne savait pas grand-chose de quoi que ce soit. Curieusement, ils n’avaient pas songé à bouger et la douleur avait cédé, sans disparaître, mais le bien être ressenti l’emportait. Ils restèrent là, se contentant de leur proximité, en échangeant des avis sur cette singulière situation. Gros minet les observait, placide, satisfait, dirait-on de cette entente inattendue…

Il resta. Sans aucun besoin d’explication, sans détours, sans manières…Naturelle, l’intimité de ces premiers aveux, s’établit, gardant toutefois certaine distance. Comme s’il n’y avait rien de plus normal que partager leurs jours et leurs nuits, sans se poser des questions, parce que dès qu’ils le faisaient, la douleur se pointait, accablante. On ne parla plus du supposé mari, relégué, par la force du mensonge là où il appartenait…à l’oubli. Leurs noms étaient venus tous seul trouver leur place entre eux…non sans un certain mal…mais on s’y faisait, en riant.

Meeley…oui, c’est comme ça que tu…que Pidges, ma petite sœur m’appelait…dis le…j’aime comme tu le prononces…Dick…c’est bien comme ça…Dick…ça me brouille toute…mais j’aime le dire…DICK !!!

Elle riait même si les larmes, inexplicables, noyaient ses yeux.

On…était pas seuls…nous sommes d’accord sur cela, n’est ce pas ?

Comment en être sûrs !? Si tout semblait si flou. Des souvenirs ? Peu et douloureux mais présents…Le soir, allongés sur l’herbe douce, ils regardaient le firmament, sans le reconnaître, sans se retrouver dans cet étrange monde qu’était le leur.

On devrait…chercher, tu ne crois pas ?

Ils n’eurent pas à le faire…ce fut le gros chat qui s’en chargea. Dick revenait du bois avec un perdreau et un lapin quand surgissant d’on ne sait où un magnifique fauve rejoignit Sage, en deux bonds glorieux, pour se rouler avec lui sur l’herbe tendre, à grand renfort de grognements ravis et coups de pattes amicaux…et puis …

Seigneur Dieu…Il sort d’où celui là !?

Seul, à l’orée du bois, tendu, aux aguets, vision antique, se tenait un homme…javelot en main…
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Richard Francis Burton

Richard Francis Burton


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MessageSujet: Re: Courant d'air.   Courant d'air. - Page 4 EmptyMer 27 Juil - 9:50

Pourquoi avait-il fait cela ? Il n’en savait rien sauf que le besoin irrépressible de l’embrasser l’avait saisi au moment où ELLE s’était approchée.
Ils avaient émergé en même temps, comme si un mal identique les avait frappés.
Même avec une migraine épouvantable, Richard se sentait très heureux, beaucoup plus qu’à son précédent réveil, en tout cas. ELLE était toute chamboulée aussi :


C’est fou…dément…débile…

D’accord avec toi. On a fait exploser de la dynamite ? Je suis sonné mais… je ne le regrette pas.

ELLE non plus car au lieu de lui flanquer la baffe de sa vie pour son audace, elle avoua sa propre douleur et des questions :


Je…ne sais pas qui tu es… Ni pourquoi tu es là…


Si moi-même je le savais, ça simplifierait les choses !


Elle eut cette incroyable caresse sur sa joue barbue, et ses mots lui atteignirent l’âme :


C’est de toi que j’ai mal…de toi…

Ça faisait tant de mal et tant de bien à entendre. Au moins partageaient-ils ça : la souffrance.

Je…ne comprends rien…*et moi encore moins* pourtant…je sais...je pressens…un avant…quand ? Je n’en sais rien…Je suis morte…c’est compliqué à expliquer…

Pas tant que ça… j’ai la même impression. J’ai vécu… beaucoup de trucs avant.

Ah bon !? Toi aussi…comment le sais tu ?


Il tenta d’être cohérent :

Je ne sais plus la moitié du tiers du quart. Chaque tentative de rappel me tue. Je suis certain d’avoir possédé des moustaches et d’avoir eu un arrêt cardiaque dans mon bureau… Je n'étais pourtant pas un rond-de-cuir. Des visions veulent revenir mais… ça fait trop mal d’essayer de les ramener. Toi, de quoi te souviens-tu ?

Elle lui parla d’aviation, de nom de lieux inconnus mais, comme pour lui, les souvenirs étaient douloureux à ramener en surface.
Peu importait. Dès son réveil étrange, Burton avait décidé de reléguer ses maux à plus tard. ELLE était là, ne le rejetait pas, rien d’autre ne comptait.
Comment était-il tombé pile sur le prénom de la Miss ? Autant éviter cette question de même que tant d’autres sous peine de connaître à nouveau les bras de Morphée.
À ce moment, il aurait souhaité ne fût-ce que lui embrasser le bout des doigts ; il n’osa pas.
Crainte de se faire du mal, de LUI faire mal. Sans comprendre pourquoi, pour rien au monde il ne désirait qu’elle souffre par lui.

Inutile de longs discours. Il avait besoin d’ELLE, de sa présence et, apparemment, c’était la même chose pour ELLE. Miss Earhart n’eut pas à lui demander de s’en aller, ni de rester. Il devait être là, avec elle, c’est tout. Journée étrange que cette première passée ensemble. Aux yeux de Richard, le « chat » jouait une sorte de trait d’union entre eux. Etait-il écrit quelque part qu’ils devaient vivre à deux ? S’étaient-ils connus avant… s’étaient-ils aimés ? Le fait est que Richard ne pouvait plus imaginer d’être ailleurs sans ELLE.
Retrouver son nom avait surpris Richard. Ce fut elle qui le lui rappela en s’en souvenant avec cette douleur qui ne les quittait pas dans leurs efforts mémoriels.


Dick ? Tu es sûre ? Toi, c’est Meeley. Pour moi, tu es Meeley.

Elle acquiesça et se mit à rire et pleurer de concert :


Meeley…oui, c’est comme ça que tu…que Pidges, ma petite sœur m’appelait…dis le…j’aime comme tu le prononces…Dick…c’est bien comme ça…Dick…ça me brouille toute…mais j’aime le dire…DICK !!!

La vie à deux ne fut pas simple à organiser. Étaient-ils fous autant l’un que l’autre pour s’infliger une telle torture permanente. Ils avaient conclu que cette souffrance serait pire s’ils s’éloignaient trop.
De la journée, c’était passable. Ils s’occupaient à diverses tâches domestiques. Lui, il fendait du bois, allait chercher de l’eau au fleuve proche, pêchait aussi ou partait chasser avec Sage.
Amélia entretenait la propreté de l’habitation, du linge ; mettait l’eau à bouillir, cuisinait les fruits des rapines de Richard.
Les nuits étaient plus dures à supporter. Pas que les élans manquent entre eux mais trop de rapprochements leur faisait mal. Mal de la présence, mal de l’absence, torture de la savoir si près et si loin à la fois. Pour résister, une solution : nager.
Tous les soirs, Richard se força à passer de longues heures dans l’eau froide. Épuisé, il pouvait enfin rentrer s’allonger sur sa paillasse et goûter un peu de repos.

La mémoire d’Amelia fonctionnait mieux que celle de Dick. Lui, il agissait quasi uniquement par réflexes, dans les gestes naturels. Pour le reste…
Ce fut elle qui eut le souvenir de compagnons perdus.


Je ne sais pas, Meeley. C’est possible mais rien ne me revient à ce sujet. Si tu y crois, c’est que c’est vrai.

Il finit par s’en convaincre lui-même. Elle désirait les chercher, lui doutait :

Qu’est-ce que cela nous apportera, dis-moi ?... Des réponses ? J’aimerais assez, oui ! Avoir le cerveau en panade continuelle m’agace… Si tu crois que ça nous aidera, alors d’accord. Peut-être le Louis dont j’ai parlé fait partie de ces gens ? As-tu une idée de qui c’est ?

Elle n’en avait pas.
Il n’osa pas avouer qu’il craignait que le fameux « mari » de la belle ne soit parmi leurs « compagnons ». Elle n’en avait plus parlé, mais sait-on ?
Quand on a l’esprit en purée, on peut facilement imaginer n’importe quoi…


*S’il en est, fasse que je ne le croise pas de sitôt !*

Hélas, alors qu’il avait encore retardé leur déplacement dans cette recherche d’inconnus, l’un d’eux surgit du bois. Un bel athlète blond déboula à la suite d’un chat identique au leur.
En arme, Richard possédait son arc et un couteau. Son gibier du jour reposait dans sa musette. Il lui fut facile de bander son arc et le pointer vers l’intrus. Une flèche contre un javelot ? C’était bien téméraire. D’autant que, quelque part, Richard se doutait que ce gars-là n’attendrait pas sagement de se faire transpercer.


QUI VA-LÀ ? cria-t-il à l’adresse de l’étranger.

Farouche, l’athlète n’appréciait pas d’être mis en joue de la sorte. Javelot bien en main, il était impressionnant.
Ils se toisèrent à distance un moment. Les félins, eux, batifolaient gaillardement dans l’herbe comme des amis de longue date très heureux de se revoir.
Amelia fermait le triangle bizarre formé par les humains sur la défensive. Il s’adressa à elle :


Meeley, tu le connais, l’as déjà vu ?

Hésitant bellement, Amelia oscillait. On aurait dit qu’elle souffrait le martyre. Ils en étaient là à jauger quand arriva un second étranger. Plus petit, fluet en comparaison du premier, il afficha un sourire éclatant en apercevant Burton et Miss Earhart vers qui il se précipita, bras ouverts en les nommant par leur prénom.

ON NE BOUGE PAS ! beugla Richard.

Le « petit » parut très déconfit. Il entama aussitôt une belle tirade sur plusieurs tons. À la fois triste, déçu et enjoué, il plaidait sa cause et celle de son compagnon avec ferveur.
La migraine de Richard s’accentua sous le babil du freluquet qui osait prétendre les connaître très bien mais, quand il se nomma, Richard cru que sa tête explosait :


*Lou… Louis… *

Il y eut un trou noir.
Quand il émergea, Richard sourit faiblement au doux visage d’Amelia penché sur lui.


Meeley, qu’est-ce qui… Ah, encore dans les vapes ?... Où sont-ils, les deux…

Avec un peu de chance, il aurait rêvé tout ça. Raté ! Ils se tenaient non loin, en discussion.
Quand il fut prêt à se lever, Achille et Louis vinrent l’aider.


Ça va, ouais, merci !

Sans savoir pourquoi, il se sentait assez en rogne. Certes, ce n’est pas marrant de s’évanouir comme une fillette devant des étranger mais, qu’en plus, ceux-ci -surtout Louis- continuent à prétendre le connaître alors qu’il ne se rappelait de rien l’énervait.
Amelia, sa douce Meeley, ne trouva rien de mieux à faire qu’à inviter les autres chez eux.
Emoustillé par l’idée d’un repas, Louis marcha à la hauteur de la belle tout en papotant recettes.
Aussi renfrognés l’un que l’autre, Achille et Richard fermèrent la marche en silence.
Avait-il eu des bonnes manières jadis ? Richard l’ignorait. Néanmoins, il jugea « normal » de faire asseoir leurs hôtes et de leur proposer des boissons.


Pas grand choix : eau ou vin de fruits.

Déjà Amelia et Louis s’occupaient des bestioles rapportées. Achille consentit à l’ouvrir. Autant répondre :


Vous nous cherchiez ?... Ah ! Des trous de mémoire aussi ? Bienvenue au club en ce cas !

Chacun y alla de sa version sur son réveil. Le Grec n’était pas à l’aise, comme s’il était impatient de partir.

*Tant mieux ! *

D’ailleurs il ne tarda pas à se lever et sortir en direction du fleuve.

Il va se baigner ? demanda Richard au cuistot de service.

La réponse le fit tiquer :

…un rendez-vous avec une sirène? Vous fichez pas de moi, Louis !

L’autre insista beaucoup, alors beaucoup, en racontant par le menu les mésaventures du héros de Troie ainsi que les siennes propres. Si l’un avait des démêlés aquatiques, l’autre en avait avec une amazone très sauvage. Elle suivait les hommes, de loin par voie de terre ; celle nommée Sissi via le fleuve.
Ces noms évoquaient des souvenirs chez Burton, indéniables et… douloureux.
Les fumets de cuisson embaumèrent bientôt la modeste cabane. Louis s’anima en regardant par la fenêtre. Richard comprit pourquoi en voyant rentrer Achille en gracieuse compagnie.
S’il s’agissait de la sirène, elle avait des fameuses paires de guiboles et de…
Amelia sembla contente de recevoir une compagnie féminine. L’intérieur étant trop étroit pour un tel groupe, on s’installa dehors dès le repas prêt. Des grosses bûches servirent de siège à tous. Louis requit la permission d’emprunter une écuelle qu’il emplit avant de filer vers la forêt.


*Farouche, la belle Hélène !*

La conversation fut assez difficile avec le départ de Louis. Achille surveillait tendrement Sissi qui touchait peu à son plat.

*Les sirènes ne mangeraient pas de viande ?*

Pour être désarçonné, Richard l’était. Ce changement brutal dans des habitudes à peine instaurées le perturbait beaucoup. S’il n’avait tenu qu’à lui, il aurait remercié ce curieux monde et l’aurait envoyé paître. Seulement, Amelia paraissait plus heureuse maintenant qu’elle conversait avec une « amie ».


*À moins que ce ne soit le bouclé qui lui fasse de l’effet ?*


Autant meubler les silences que de gamberger sur une éventuelle désaffection de sa belle.

Alors vous souhaiteriez que nous fassions route commune, dit-il à Achille en buvant du vin de fruits. … Comprenez que nous nous trouvons très bien où nous sommes, Meeley et moi. Balader Dieu sait où à la recherche de Dieu sait quoi nous nous tente pas *moi, du moins !*

Le Grec grommela quelque chose en rapport avec les chats et une sorte de mission incontournable à six quoiqu’un septième aurait été du lot mais porté disparu.
Richard ne pigea pas grand-chose. L’important pour lui était de ne pas être séparé d’Amelia.
Il en était encore à tenter de clarifier tout ça quand le Grec se leva brusquement, sens en alerte.


Que se passe-t-il, vous… sentez quelque chose ?

Apparurent Louis et une bien fort belle dame blonde aux cheveux courts. Ils couraient main dans la main pourtant leur expression n’avait rien de joyeux ! Au contraire, elle reflétait la panique totale !
Il ne fallut pas longtemps pour comprendre ce qui les forçait à fuir.
Les beuglements du monstre le précédèrent. Enorme, dentue, une tête affreuse surgit et claqua des mâchoires au ras du sol, pile derrière les dératés paniqués. Achille empoigna son javelot. Richard aurait ri de la dérision si la situation n’avait pas été aussi dramatique. Vaguement, elle lui rappela autre chose :


*Mammouth !*

Sauf qu’ici, cela ressemblait plutôt à un très méchant prédateur. Sissi bondit sur ses pieds et ordonna un repli général au fleuve. Tant qu’à faire…
Richard empoigna Amelia et fonça vers l’eau. Les autres suivaient ou pas, il s’en foutait.

PLOUF !

Nager, s’éloigner le plus loin possible de ce… truc dont le nom lui échappait. Meeley nageait bien, une veine. D’autres têtes apparurent à la suite. Achille, Louis et Hélène avaient participé au mouvement.
Où était Sissi ?
S’il avait douté de ses capacités de sirène, là il fut convaincu.
Plus en aval, sans doute aidée de sa caudale, l’ex-impératrice effectuait un curieux ballet nautique. Montée, descente, il ne fit aucun doute qu’elle voulait capter l’attention du monstre. Celui-ci avait balayé leur habitation comme un fétu de paille et s’époumonait de rage sur la berge.
Attiré par le manège de la sirène, il s’engagea dans l’eau pour la gober.


ACHILLE, NON !


Richard tenta de le retenir du bras, il se prit un pain monumental au menton. Sans Meeley, il aurait coulé.
Le spectacle du bas méritait le détour. Tandis que le héros nageait vers sa dulcinée, le monstre à demi engagé par les flots fut soudain tiré vers le fond. Quelque chose l’attaquait. Quoi ? Richard ne put que s’en douter selon la vue offerte. Tantôt surgissait une sorte de tentacule, tantôt des dents pointues. Combat dantesque, titanesque !
Bientôt dans d’affreux remous, il ne surnagea que des lambeaux sanglants.
Le silence impressionnant plana sur le fleuve. Serré contre Amelia, se soutenant l’un l’autre, Burton déglutit :


On dirait que c’est fini…

Louis rigolait et ramenait déjà Hélène vers la berge. Nageant lentement, les autres suivirent. Qu’Achille et Sissi soient à la traîne ne les préoccupa pas. Ils remontèrent au sec.

Pas à dire, l’évidence crevait les yeux devant le tableau de la chaumière dévastée. Il ne restait que peu d’objets utilisables. Tandis que Meeley récupérait ce qu’elle pouvait, Richard, amer, soupira en ramassant la hache :


Obligés de vous suivre, maintenant !

Louis et Hélène donnèrent un coup de main pour glaner ce qui était récupérable.
Plus tard, on se mit en route.
La belle de Troie, décidément peu sociable, retourna dans sa forêt. L’impératrice d’Autriche, guiboles retrouvées, avoua disposer de certains « amis » aquatiques.


*Toujours bon à avoir des amis pareils !*


Intarissable malgré la peine de l’éloignement d’Hélène, Louis conta fleurette à Amelia. Maussade, Richard suivit le groupe.

*Se fier à des chats ? Dieu sait où ils vont nous mener !*


Suivre le fleuve était impératif… pour l’impératrice. S’il pigeait bien, Richard dut accepter cette question de survie. S’il le fallait…

On fit la pause d’avant nuit.
Bâtir un feu, étaler des paillasses, déployer une tente, chercher de quoi manger avant la nuit : occupations incontournables.
Richard prit son arc et ses flèches. Achille alla où il le voulut, lui suivit son chat dévolu qui le mena à travers des fourrés épais. Sage ne se trompait jamais. Il le guida jusqu’à une clairière où paissaient…

*Des... biches ?*

Bon, ça y ressemblait de loin. Mélange d’okapi et de gazelle, ces animaux n’en broutaient pas moins paisiblement. L’arc se banda, le trait sûr frappa. Satisfait, Burton courut vers la proie abattue mais lui constata deux flèches plantées dans le cou. Venimeuse, Hélène surgit, lui disputant son dû.

Eh, tout doux ! On l’a abattue à deux… comment ça toi la première ? Va chercher un arbitre, si ça te chante !

C’est qu’elle pérorait la mégère ! Elle revendiquait la primeur avec vigueur.

J’EN AI RIEN À FOUTRE ! Prends la moitié, si tu y tiens !

Complètement idiot et déplacé, un sentiment étrange habita Burton qui, refroidi d’une sorte, réchauffé d’une autre, déclara :


Tu sais que tu es adorable quand tu es en colère, Hélène ?

Le prit-elle mal ou bien ? Quoiqu’il en soit, elle lui sauta dessus. Ils roulaient dans les ronces quand, vibrante, la voix de Louis pesta. Qu’est-ce qu’il braillait, celui-là ! Burton se sépara d’Hélène et affronta l’outré :

Mêle-toi de tes oignons, Loulou ! Tu les aimes frits, à ce qu’il parait !


Ouh ! L’autre n’apprécia pas, lui servant en sauce tout un plat de mets choisis.


… si tu aimes tant Hélène, cesse un peu de reluquer ma femme ! Oui, Meeley est MA femme !

Ça lui éclata dans la tête mieux qu’une bombe H…

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Hélène, la belle de Troie

Hélène, la belle de Troie


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Courant d'air. - Page 4 Empty
MessageSujet: Re: Courant d'air.   Courant d'air. - Page 4 EmptyLun 1 Aoû - 22:29

Timide, effarouchée pour un oui ou un non, Hélène fila plus vite que le vent en constatant que ceux qu’elle observait l’avaient découverte. Sa fuite à travers les buissons se termina brusquement car, contre toute attente, le plus grand - astucieux – coupa sa route. Elle lui tomba dans les bras et lutta contre lui avec dents et ongles. Cela ne lui ne suffisait pas.

Du calme…on ne te veut pas de mal !!! Hé, Louis…occupe toi de cette harpie…

Munie de son couteau, elle en joua. Pas méchamment, juste comme une avertissement… réussi.

Aouch !...elle a un couteau…Sauvage ! Mégère…

L’autre déboula à son tour, lui larguant un discours inattendu :

Ma douce, mon cœur ! C’est moi, ton Loulou ! Pourquoi est-ce que tu…

Que racontait-il, ce bellâtre ? Sans réfléchir, les mots sortirent :


Allez- vous faire foutre ! Casse-toi face de rat ! Ôte tes sales pattes de mon domaine !

Ouf ! Le gars était estomaqué et n’intervint pas quand elle reprit ses jambes à son cou.
Fuir, fuir ! Où ? Un seul refuge, l’unique qu’elle connaissait : son arbre.
Le rideau de feuillage refermé derrière elle, elle arma son arc, prête à larder d’éventuels poursuivants.
Ils ne tardèrent pas à apparaître dans son champ de vision mais, curieusement se tinrent à distance. Le blond planta là le petit qui entama un curieux discours :


Hélène, ma chérie, je suis Louis, ton Louis. Tu ne me reconnais sans doute pas. Achille non plus ne l’a pas fait.

*Comment il sait mon nom, celui-là ? Louis… Achille… ???*

Questions perturbantes d’autant que le bouclé ajoutait :


Nos chats se connaissent, eux ! Tu l’as vu n’est-ce pas ? Cela prouve ce que je dis quand j’affirme que tu es la brise qui rafraîchit sous ciel torride, l’eau qui abreuve l’assoiffé, le mirage doré que tout solitaire envie.

*HEIN ????*

D’autant qu’elle se souvienne, jamais personne ne lui avait tenu de tels propos. Conclusion :

*Cet homme est fou !*

Pourtant la suite éveilla en elle quelque chose d’à la fois apaisant et douloureux :


Tu m’aimais Hélène. Je t’ai juré protection et amour fidèle.

* Je veillerai sur toi, toujours, dors mon amour.*


Cette voix… Ces paroles… était-ce un rêve ou pas ? Selon ces dires, non ! Elle n’avait donc rien imaginé !
Perplexe, elle n’en baissa pas moins son arme mais écouta l’autre qui semblait si inoffensif et si volubile.
Il en raconta des choses !


*Elisabeth ? Richard, Amelia... ?*

Elle ne pigeait pas la moitié de ce qu’il débitait avec un tel ton sincère qui l’obligeait à l’attention. D’autant que certaines évocations la remuaient beaucoup sans qu’elle le veuille ni comprenne pourquoi.
Une pause se produisit où il réclama à boire. Hésitante, elle prit le pichet proche, en emplit un gobelet qu’elle passa derrière le rideau.
Devant sa docilité, son insistance, elle consentit à le regarder en face. Il semblait heureux.


Je reviendrai, ma mie.

*Ma mie ? Il me prend pour du pain ?*

Guilleret, Dieu sait pourquoi, il entonna une chanson et s’en fut la laissant confondue.
Longtemps elle tourna en rond en s’interrogeant. Les mots débités avaient éveillé des choses… qui la confondaient et rassuraient en même temps. Qu’est-ce que tout cela signifiait ? Seul élément sûr : personne ne lui voulait de mal.
L’ennui, c’est qu’avec ces gugusses à proximité, elle ne pourrait plus sortir de son trou aussi souvent que voulu. Allait-elle se laisser mourir de faim ? Au moins la nuit, elle avait une chance de ne pas les voir, ces gens ! Elle en profita pour courir les bois mais ramenait peu de gibier d’autant que, même sans le vouloir, une sorte d’instinct la forçait à se rapprocher du campement des inconnus.
De loin, elle pouvait les observer à loisir.
Pour être étrange, cette association masculine l’était. Le grand blond ne lui paraissait plus si effrayant à le voir converser avec le bouclé tout en affûtant ses armes. Ledit Louis faisait la vaisselle tout en babillant sans presque discontinuer :


*Me demande quand il prend le temps de respirer !*

Si Hélène chassait peu, ses provisions lui permettaient de tenir surtout que le bouclé ne manquait jamais de lui apporter quelque offrande lors de ses visites quotidiennes. À croire qu’il la prenait pour une espèce de divinité à venir honorer. Elle ne s’en plaindrait pas.
Peu à peu, elle devint moins craintive et accepta parfois de s’asseoir devant lui, fascinée par les récits dont il l’abreuvait.
Avait-elle réellement vu un mammouth, volé dans un ballon, traversé sous terre parmi des champignons, failli se noyer ? Louis en était persuadé, elle… non. Comment aurait-il pu en être autrement avec tous les trous qui lui mitaient le cerveau ?
Cette nuit-là, Louis débarqua à une heure très inhabituelle. Il lui annonça – de loin –


On vient de récupérer Sissi. Je t’en ai parlé. Vous étiez de très bonnes amies. Si tu as un peu changé… elle a changé encore plus.

Et de lui servir le truc le plus énorme jamais entendu :

Sissi est une sirène.

C’est quoi une sirène ?

Il tenta de lui expliquer tout en requérant son aide pour cette fille. Selon lui quand son « amie » sortait de l’eau, elle possédait des jambes.

*Étrange, ça !*

En résumé, il désirait des fringues pour la naïade et aussi – le plus dur à encaisser – qu’elle les donne elle-même à l’inconnue dont le nom lui évoquait un vague souvenir . Quoi ? Bonne question ! Peines partagées ? Soutien mutuel ? Autre chose ?
Puisque incapable de déterminer de quoi il s’agissait, Hélène retourna au creux de son arbre y fouiller ses affaires. Elle possédait en tout et pour tout deux tuniques. Elle prit la seconde et ressortit.
Sa curiosité étant la plus forte, elle accepta d’accompagner Louis au campement.
Le blond et la « sirène » se tenaient à distance tandis qu’une marmite fumait sur le feu. S’approchant de la jeune femme dont la tenue rudimentaire prouvait le dénuement évoqué par le bouclé, Hélène lui tendit le vêtement :


Enfile-ça ! Ce que tu portes doit être inconfortable et est un peu trop… tu me comprends.

Sissi ne dit mot en prenant l’objet. Elle disparut brièvement dans la forêt. Louis tint absolument à ce qu’ Hélène s’assoie pour partager leur repas. Mitigée, mais alléchée par le fumet dégagé, elle consentit à se poser entre les deux hommes si différents de caractère et de physique. Néanmoins, elle garda la main sur le couteau qui ne la quittait pas.
Ledit Achille semblait attendre le retour de l’autre femme, et sans le bavardage de Louis le silence aurait été pesant. Il détailla leur rencontre avec la sirène qui avait fourni de quoi leur remplir le ventre ce soir.


*Sauver A… Achille de la noyade ?*

Cela lui sembla si ridicule que, sans trop savoir pourquoi, elle rigola. Offusqué, Louis resta sans voix. L’arrivée d’une Sissi convenablement vêtue fit se dresser Achille, l’air béat… tout autant que Louis. Aussitôt, l’estomac d’Hélène se noua. Endolorie, blessée( ?)elle se leva et déguerpit à toute vitesse. Rien ne saurait la retenir, surtout pas les cris du bouclé, désespéré.
Elle alla pleurer dans le coin le plus profond de la forêt en ignorant même pourquoi saignait ainsi son cœur.
Au matin, dans son antre, elle émergea d’un sommeil agité à cause d’un chant à la fois doux et… agaçant.


*Chanter à cette heure ? Qu’est-ce qui lui prend ?*

Mais le chant était si émouvant, touchant, qu’il l’amadoua. Un mal, un bien ? Elle n’en savait trop rien. Il finit par avouer ce qui l’amenait : son départ. Leur départ en fait. Lui et son compagnon allaient se mettre à la recherche des manquants à leur groupe initial : Amelia, Richard et Philippe.
Louis désirait vivement qu’elle se joigne à eux dans cette quête.
Dur choix ! Céder cette liberté enfin conquise pour une destinée incertaine ou demeurer telle quelle ? Consciente de la cruauté qui s’offrait à elle, elle consentit à lâcher un peu de lest :


Je… je dois avouer que tu me manquerais.

Ces simples mots semblèrent réjouir beaucoup son visiteur qui, en offrande, déposa une cassolette du repas du soir. Ce qu’il suppliait bien, cet homme. Apparemment, il ne souhaitait pas s’éloigner d’elle mais une force mystérieuse le poussait à réunir les absents. Si Hélène ne venait pas, non seulement il serait très affligé mais raterait sa quête.

Je te donnerai ma réponse ce soir. Tu viendras ?

Longue journée ! Quoiqu’elle tentât pour s’occuper – chasse, provision d’eau, un peu de ménage, un bain au fleuve – invariablement les heures traînaient, et ses pensées revenaient sans cesse vers lui, ce Louis.

*Pourquoi, pourquoi ne puis-je m’empêcher d’y songer ? Louis, Louis, est-ce toi que j’attends ? *

Torturée par ces questions sans réponse, Hélène finit par s’assoupir. Que de rêves !...
La douce voix qui l’avait bercée en songes la réveilla. Presque joyeuse, elle alla le rejoindre dehors.
Fidèle à lui-même, il bondit à sa vue et, l’air nerveux, patienta en silence.
Avec un petit sourire, la belle s’amusa un moment à jouer avec ses nerfs :


Bonne journée, Louis ?... Moi ? Très bonne ! Je ne me suis pas ennuyée un instant. *Dormir beaucoup, est une saine occupation !* …

De long en large, la coquine expliqua comment elle avait capturé une outarde dodue à souhait qu’elle comptait se rôtir bientôt. Celui qui grillait, c’était son visiteur en fait. Fallait voir ses efforts pour ne pas l’interrompre ! Puis il osa poser LA question :

… Si j’ai pensé ? À quoi donc ?... Ah, à ça ? J’y ai beaucoup réfléchi, il est vrai et… Je crains que non.

Sa tête valait de l’or !

Je veux dire que je n’irai avec vous que… de loin... Je vous suivrai à distance, si tu préfères… Peur d’Achille ? Je devrais ?... En fait, je suis une solitaire et désire encore le rester.*Même si je t’apprécie de plus en plus !*

Son air déçu la ravit, mais Louis se reprit en avouant que du moment qu’il la savait proche, il était très satisfait.
On parla préparatifs de cette expédition, ce qu’il faudrait emporter ou laisser. Le temps passa agréablement autour du feu sur lequel grilla gentiment la volaille que Louis avait tenu à plumer et vider à sa place.
Parfois, Louis soupirait en évoquant ses souvenirs d’antan. Il semblait la connaître mieux qu’elle-même se connaissait.


*Il en sait plus long que moi sur mon propre passé ! *

C’était troublant de devoir accepter d’être morte et ressuscitée. Le croire ? Il le fallait bien. D’ailleurs, elle était certaine que le narrateur disait vrai ou alors il était le meilleur menteur du monde !
Marrant comme le temps passait vite en cette charmante compagnie. En douce, Hélène lui fit remarquer l’heure tardive :


Si nous devons nous mettre en route à l’aube, ne serait-il pas temps pour toi de rejoindre Achille ?

La mine contrariée, il avoua l’avoir complètement oublié, et détala après s’être excusé mille fois.

Dans le matin brumeux, elle se rendit au campement où on l’attendait. Son équipement était sommaire : outre d’eau, instruments de chasse, couverture.

Par où allez-vous ? demanda l’amazone.

Les explications étaient succinctes. Ils allaient longer le fleuve vers l’aval. La sirène serait de la partie mais rarement hors de l’eau.


*Bref, ils ne savent pas du tout où aller ! Tant mieux si superbes guiboles restent queue ! *

Les deux hommes se mirent en route, Achille au pas de charge en tête.
Suivre ne posa aucun problème à Hélène. Ce n’était pas difficile avec le babil sonore de son « amoureux ». Souvent la sauvageonne se demanda pourquoi le Grec ne le bâillonnait pas. Personnellement, elle aimait la voix un peu chantante de Louis mais doutait que le héros l’apprécie, lui. Avec tout ce qu’elle avait appris sur eux, le noir de sa mémoire s’était atténué. S’il restait une foule de trous à combler, l’ensemble était plus clair.


*Reine de Sparte… fauteuse de troubles… Achille me détestait jadis… Là, il est plus… sociable et… raide dingue du poisson, grand bien lui fasse ! *


Pas une halte ne fut consentie jusqu’à ce qu’un événement se produise. De sa position en retrait, Hélène ne put que deviner ce qui se passait : une rencontre.
Son « Noble » la dépassa au galop, courant rejoindre son homologue. Ensemble, ils disparurent de son champ de vision mais aux sons perçus, Achille avait dû croiser quelqu’un. Evidemment, Louis qui lui suçait le talon(…)entra aussi en scène. Des éclats de voix retentirent. Curieuse, la belle s’approcha et regarda au travers des feuillages. Un homme gisait sur le sol, une femme penchée sur lui.


*Achille l’a tué !*

Apparemment non puisqu’il se redressa aidé des autres.
La distance empêchait Hélène d’entendre les conversations. Elle se contenta de suivre le quatuor qui aboutit à une petite chaumière où il s’enferma.


*Eh bien ? Et moi ?*

Louis l’avait-il déjà oubliée ?
Lorsque la porte se rouvrit, son cœur bondit : il venait la chercher ! Mais non, ce fut Achille qui sortit pour s’éloigner vers la rivière d’où il revint en compagnie des belles gambettes.
Heureusement, son chat vint lui tenir compagnie avec trois autres bestioles. Toutes avaient l’air heureux et ronronnaient, de quoi soulager sa peine et son ennui.
Ce qu’elle aperçut ensuite ressemblait à la préparation d’un déjeuner sur l’herbe.
Malgré elle, Hélène laissa échapper soupir et larmes.


*IL disait m’aimer… *


Persuadée que Louis était trop occupé avec sa cuisine et les jambes de Sissi, la belle s’apprêta à faire demi-tour.

*Plus jamais je ne croirai un homme…*

Elle n’avait pas fait vingt mètres qu’on la hélait. Qui ? Son bouclé ! Il lui apportait à manger tout en s’excusant. Comme si une écuelle de ragout allait rattraper son manque de prévenance. Assez fâchée, elle râla :

J’en veux pas de ton plat, je rentre chez moi ! J’ai poireauté ici, je ne sais combien de temps pendant que tu festoyais avec des inconnus… Eux ? Ceux que tu voulais retrouver ?
Tant mieux ! Amuse-toi avec eux, alors, et avec ta Sissi !... Oui, j’ai dit TA Sissi !... Je sais qu’Achille en est fou mais j’ai bien vu comment tu la regardais !... Ne nie pas, j’ai des yeux pour voir !


Se défendant avec fougue, Louis se fit presque pardonner. C’est alors qu’il posait l’écuelle et, passionné, lui prenait la main pour la baiser que des craquements anormaux se produisirent. Le sol vibra. Un éclair de mémoire paniqua Hélène :

UN MAMMOUTH !

Inutile d’attendre que la bestiole s’amène. Une peur identique les animant, ils décampèrent aussi vite que possible sans se retourner. Leur apparition déclencha les réflexes des autres qui, exhortés par la sirène, coururent se jeter à l’eau.
Sûrement qu’elle allait se noyer : Hélène n’aimait pas trop l’eau. Dans un flash, il lui sembla avoir connu deux cas similaires. Dans l’un Louis lui sortait la tête d’une rivière de sang, dans l’autre Louis et elle barbotaient tendrement.


*Louis… Encore et toujours lui !*

Une fois de plus, son chevalier était à ses côtés. Il la mena au centre du fleuve tandis que le monstre le plus hideux jamais vu paraissait vouloir les rejoindre avec des cris affreux. Puis… Il disparut dans les flots, entraîné par Dieu sait quoi appelé par Sissi. Tout ce sang…

Dans la rivière rouge, tu étais là… Dans le lac avant le mammouth, tu étais là… Toujours là ?

Il répéta la phrase qui la soutenait depuis son second réveil :

Je veillerai sur toi, toujours

Une sorte de paix baigna son âme, Hélène sourit. Toute crainte, tout doute s’écartait. Sauf que…

Revenus à la chaumière, il fallut constater le ravage causé par le monstre. Résultat : ils seraient six à voyager. Les deux nouveaux semblaient se souvenir d’elle autant qu’elle d’eux. Le baraqué la reluquait bizarrement. Aussi, dès que l’on eut récupéré ce qui pouvait être emporté, Hélène prit Louis à part :


Je me méfie de ces gens… n’en rajoute pas... Tu prétends que l’on était tous amis, mais c’est plus fort que moi. Je vous suivrai comme tantôt.

Le plantant là, elle rejoignit le bois.
Des idées plein la tête, la sauvageonne ne vit pas le temps passer. La nuit ne tarderait pas, il fallait se chercher une proie pour alimenter le pot commun. À l’affût du moindre bruit, elle laissa parler son flair qui la guida à une clairière où broutaient des animaux ressemblant à des biches. L’arc assuré lança le trait qui ne rata pas sa cible. Joyeuse, elle sortit de sa cache pour constater que deux flèches transperçaient l’animal. Déjà, l’autre chasseur s’approchait, elle l’apostropha :


J’ai tiré la première ! La biche est à moi !


Le dénommé Richard ne l’entendait pas de cette oreille :


Comment ça toi la première ? Va chercher un arbitre, si ça te chante !

Pas besoin d’arbitre ! C’est mon bien, pas le tien, fous-le-camp !

J’EN AI RIEN À FOUTRE ! Prends la moitié, si tu y tiens !


La moitié, et puis quoi encore ? Je la veux en entier : c’est la mienne !

Au lieu de la lui donner ou disputer, voilà que Richard lâchait une incongruité :

Tu sais que tu es adorable quand tu es en colère, Hélène ?

Tu vas voir combien je suis adorable, espèce de…

Un instinct ignoré la fit bondir sur l’outrecuidant avec qui elle lutta toutes griffes dehors. Belles roulades ! Amusantes, somme toute ! Défoulant, en tout cas. Ils en étaient là à se « cajoler » quand une clameur outrée les surprit. Lui… ?
Louis, hors de lui accusait Richard d’avoir osé porter atteinte l’intégrité de celle qu’il adorait. Burton riposta avec vigueur en parlant d’oignons…


*Ils en ont à peler ceux-là !*

Et Burton de remettre ça jusqu’à tomber dans les vapes.
Se remettant sur pied, elle sourit à Louis :


Ça lui prend souvent à celui-là ?... Mais non, que vas-tu imaginer ? On se disputait… ça !

La vue de l’animal abattu sembla convaincre Louis qui, mitigé, hésita cependant à s’occuper de Richard.

Bah ! Laissons-le là… Bon, si tu le dis, réveillons-le.

Une paire de claques plus tard, ils redressèrent l’évaporé.
Le boucan de l’altercation précédente ayant ameuté les autres, Amelia arriva à son tour. De son regard pathétique, elle darda tour à tour le trio, s’attardant surtout sur Richard et Hélène avant de tourner les talons, secouée de sanglots aussitôt suivie par… Achille que suivit immédiatement Richard. Restée seule avec Louis, Hélène l’apostropha :


Tu es fier de toi ? Maintenant on fait quoi ?... Reste pas comme un navet, aide-moi plutôt à découper cette bête… Allez, remue-toi ! Tu m’aides ou pas ?

Sans plus se soucier des autres, ils sortirent les couteaux.
Ramener, morceau par morceau cet étrange animal leur prit du temps. Au passage, ils remarquèrent qu’un crêpage de tignasse devait avoir eu lieu. Amélia, mitigée, ranimait des braises tandis que, boudeur Richard aménageait des paillasses. D’Achille point de trace.


*Encore à l’eau ? Il aura aussi des écailles bientôt !*

Louis resta sur place à accommoder la viande, elle se coltina le reste, laissant aux fauves les abats.
Rester seule ne lui seyait nullement... pour cette fois. Aussi rejoignit-elle le feu où une broche rôtissait un cuissot, s’assit près de Louis et le contempla longtemps en silence avant de l’ouvrir :


Rappelle-moi encore, s’il-te-plaît… Qu’était-on l’un pour l’autre ?

Mieux que la graisse dégoulinant sur les braises, Louis s’enflamma. Il lui narra avec feu ses sentiments profonds.

*Puis-je vraiment éveiller tant de flammes sincères ?*


Elle prit une grande inspiration :

Louis… Je suis très touchée… je crois que moi aussi… je t’aime.

Pouvait-on imaginer une expression plus émerveillée ? Quoiqu’il en soit, elle en fut remuée. Le baiser était imminent quand on cria :

AU FEU !!!!
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Sissi

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Courant d'air. - Page 4 Empty
MessageSujet: Re: Courant d'air.   Courant d'air. - Page 4 EmptyMar 9 Aoû - 14:46

Qu’avait-elle fait pour mériter cela ?
Par la force des choses, Sissi s’était « habituée » à sa forme aquatique. Si parfois la nostalgie de ses jambes la prenait, elle sortait de son élément devenu vital pour se balader un peu en compagnie du gros chat qui la surveillait constamment. Plusieurs fois, Elisabeth s’était amusée à une sorte de cache-cache avec l’hybride en restant immergée des heures entières, s’éloignant au gré du courant. Infailliblement, la première « personne » qui entrait dans son champ de vision, c’était l’animal.

Dans ses virées sous-marines, Sissi en vécu des vertes et des pas mûres !
La majorité de la faune paisible la fuyait de peur d’être croquée, sûrement. Autant que possible, la sirène évitait de manger ses « congénères » mais nécessité faisant loi… Par hasard, lors d’une de ses chasses, elle se fit un ami, et un grand, dans tous les sens du terme.
Son errance fluviale l’avait conduite à une sorte de gouffre, un puits profonds, en tout cas. Ses facultés visuelles en mode poisson étaient incroyables, les sensorielles aussi. Or là, elle perçut nettement l’odeur du sang. Un carnage était en train de se produire au fond du trou d’eau.
Vaillante et curieuse aussi, Sissi osa aller y risquer un œil. Ce qu’elle découvrit faillit lui dresser les écailles.
La bête la plus biscornue imaginée se débattait furieusement contre une armée de crustacés voraces.
Malgré de grands coups de tentacules qui en balayaient beaucoup, les assaillants étaient sûrs de l’issue. L’espèce de calamar géant avait un appendice coincé entre les valves d’une moule gigantesque. S’il en avait eu l’occasion, le prisonnier se serait libéré en broyant la coquille de ce mollusque gênant. Pris d’assaut par les « crabes », il n’avait aucune chance d’en sortir vivant !
Le combat était trop inégal.
Sensible depuis toujours, Sissi détestait la souffrance qu’elle soit humaine ou animale. Ce géant du fleuve devait-il périr ainsi ? Son heure était-elle venue ?
Le réflexe normal aurait été de laisser faire, se détourner et penser à autre chose.
Ses sens exacerbés dans l’eau lui décrivaient les maux des uns et des autres. Peut-être était-ce idiot ? N’empêche que Sissi s’en mêla. S’armant d’un bois solide échoué par là, elle fonça dans le tas.
Donnez-moi un levier, je soulèverai le monde ! Ce cher Archimède aurait été fier d’elle.
En deux temps trois mouvements, le pieu enfoncé entre les mâchoires de la moule opéra sa fonction.
Libéré, le monstre du fleuve la remercia… en ne la mangeant pas.
Pouvait-on parler de télépathie ? Peu importe. Néanmoins, depuis cet instant, ils se comprirent sans mots. Si l’un était en difficulté, l’autre accourrait.

Puis il y eut l’autre rencontre. La plus heureuse et douloureuse à la fois, au physique comme au moral. IL l’avait chassée, lui éraflant le bras de la pointe de son javelot.
Pleurer, pleurer telle l’âme perdue qu’elle était. Que faire de plus pour expurger sa peine d’avoir été si bassement rejetée ? Elle ne le connaissait même pas ! Isolée sur un rocher, la sirène se lamenta longuement en lavant sa plaie au bras.


Pardon…Pardonne moi, je n’ai pas voulu…je ne savais pas…

La surprise la cloua sur place, lui coinçant les sanglots dans la gorge. Que faisait-il là ? Pourquoi réclamer son pardon ? Il ne savait pas quoi ? Qu’elle était mi-poisson mi-humaine ?
La lune éclaira un visage parfait et… torturé. Du tréfonds de sa mémoire, un nom jaillit : Achille.
Au moment même où il coula elle sut. C’était pour lui que son cœur saignait depuis son réveil en sirène, lui qu’elle désirait, lui qu’elle aimait. Et le voilà qu’il partait à la dérive !
Faisant fi de sa légère blessure, Sissi n’eut que quelques battements de caudale à effectuer pour le rejoindre.
Peut-on être fou de joie et triste à mourir à la fois ? Oui !
Le serrer contre elle lui procura une joie immense et une peine atroce.
Ramené au sec, Le Grec ne tarda pas à reprendre connaissance. Comment s’empêcher de lui relever les cheveux trempés, de caresser ce noble front, résister à…


Qui…qui es tu ?

Il ne savait donc pas ? Tant pis, tant mieux… À quoi bon réveiller des souvenirs inutiles ? Elle lui imposa le silence d’un doigt sur ses lèvres avant de s’enfoncer dans le flux. Il ne désirait pas qu’elle s’en aille. La pression sur son bras força une plainte :

Aïe ! Lâche-moi, s’il te plaît.

Non…ne pars pas…dis moi…dis moi qui es tu ?...

Je dois partir, il le faut.

Pourquoi ?...Dis moi… au moins ton nom…

Son nom évoquerait-il un souvenir ? Elle le dit juste en glissant à l’eau :

Sissi !

Nager loin, très loin et aussi profond que possible, voilà l’unique but qu’elle se donna.
Là, elle put pleurer tout son soul sans attirer l’attention des humains. Quelques poissons curieux vinrent lui tenir compagnie. Une sirène triste n’est pas prédatrice.
Achille… D’où ce nom était-il issu ? Comment l’avait-elle connu ? L’eau salvatrice l’aida à nouveau. Pas de migraine, ni de suffocation, elle put réfléchir à son aise tout en sanglotant pas intermittence. Elle était amoureuse de cet homme, cela s’était produit après une première résurrection. Les pensées chaotiques s’interrompirent soudain avec la perception de cris.


*Un noyé ? Encore ?*

De surcroit, il gueulait son nom ! Très vite elle récupéra l’homme qui l’avait forcée à agir. Elle attrapa ce qui dépassait : sa chevelure.
Tête hors de l’eau, il paraissait ravi de leurs retrouvailles :


Sissi ! C’est bien toi ? Je ne croyais pas Achille quand…


Ce nom, encore et toujours lui ? Elle voulut abandonner ce pseudo noyé, il lui saisit le bras la faisant grimacer. Blabla, blabla, combien il causait ce type ! Puisqu’Achille était en cause, elle écouta :

Tu devrais le voir, il est très malheureux… Tu me reconnais quand même ? Tu l’as reconnu, lui, non ?

Je ne sais plus où j’en suis. Désolée, je ne te remets pas du tout. J’ai connu Achille, j’en suis sûre mais pour le reste, je préfère rester dans mon coin. Et j’aimerais assez que tu me lâches !

Cette promiscuité aquatique la dérangeait beaucoup. Apparemment elle semblait éveiller quelque chose chez ce Louis. Il voulut poursuivre la conversation ailleurs, aussi le conduisit-elle près d’un rocher où il se hissa, elle pas. De nouveau, elle dut souffrir l’éloquence de celui qui s’était présenté comme roi de France, lui assurant qu’elle avait été impératrice d’Autriche, sans écailles.
Elle lui posa aussi beaucoup de questions tout en répondant aux siennes. Il partait du principe qu’il était important que le groupe formé antérieurement se rejoigne. Son Hélène était dans le secteur mais très timide, elle ne se montrait pas souvent. Il en manquait donc deux autres à l’appel selon lui.
Mis au courant que la sirène pouvait redevenir entièrement humaine plusieurs heures, Louis l’invita à rallier leur campement ; il s’arrangerait pour lui trouver des vêtements décents.
Dès qu’elle l’eut déposé sur la berge, Sissi fila. Certes, elle avait donné son accord mais redoutait terriblement d’être à nouveau confrontée au grand blond. Pourtant, à peine s’était-elle éloignée de quelques mètres, qu’elle changea d’avis. Ne pas revoir ni parler à Achille était si douloureux que cette seule pensée la poussa à agir. Louis avait dit qu’ils étaient démunis de provisions : elle chasserait pour eux. Dès que ses jambes réapparurent, Sissi revêtit le pagne que son chat lui apporta puis elle prit son courage à deux mains et alla vers son destin.
À sa vue, Louis tira une drôle de tête mais s’empara du butin présenté qui semblait le ravir. Il lui donna une couverture en échange. Sans doute avait-il peur de trop regarder ses guiboles ?
Que dire à Achille ? Pourquoi cette douleur dans sa tête quand elle le regardait au fond des yeux ? Il semblait ressentir exactement les mêmes tourments : souffrance et joie.


Ça… ça te fait mal, à toi aussi n’est-ce pas ?... J’ai beaucoup hésité à venir mais n’ai pas pu m’en empêcher, je voulais être sûre de ne pas avoir rêvé quoique ton coup de lance soit suffisant pour m’en dissuader… non, je le sens à peine, ne t’inquiète pas pour ça. Dis-moi, sais-tu ce qui nous arrive ?... ce dont je me souviens ? Euh… chaque fois que j’essaye de me rappeler, c’est pénible. J’ai eu des rêves assez bizarres. Tu vois, quand je suis dans l’eau, je vais mieux que sur terre, je veux dire que je peux penser plus librement... J’étais dans une pièce étrange avec un inconnu qui rigolait devant un tableau animé… tu vois c’est complètement loufoque.

Il lui raconta son propre réveil et sa mort. Au moins savait-il qui il était, d’où il venait.
Cette conversation leur fit perdre la notion du temps au point qu’ils ne remarquèrent même pas l’absence de Louis. Par contre son retour fut notable. Il rayonnait ce roi soleil en ramenant avec lui une bien étrange personne. Magnifique, cette femme l’aurait été plus encore si elle avait souri. Assez sèche, elle lui fourra une tunique en main :


Enfile-ça ! Ce que tu portes doit être inconfortable et est un peu trop… tu me comprends.

*Comprendre quoi ?*

Docile, Sissi prit néanmoins le vêtement qu’elle alla passer un peu plus loin. La laine était très douce, un peu lâche mais plaisante. Toute heureuse d’être « normale », Sissi rejoignit les autres avec entrain. Quelle mouche piqua Hélène ? Elle détala sitôt la sirène revenue. Louis lui cria après, perdu. Mais sa bonne humeur ne fut qu’à peine entachée par cette désertion. Il servit les rations. Cela faisait longtemps que Sissi n’avait pas mangé chaud et avec une cuillère, en plus. Elle tenta de faire bonne figure en imitant les gestes des hommes.
Bien sûr, Louis occupa le crachoir, imposant des détails d’un passé oublié pour ses compagnons. Sans cesse revenaient les noms de Richard et Amelia. Le roi ne tarit pas d’éloges sur cette dernière puis dévoila les plans futurs : chercher les absents.


Mais sais-tu où aller ?... Laisser faire les chats ?... Ah, la mienne… la nôtre( rougeurs) s’appelle Bagherra ? Je n’ai pas compris pourquoi cet hybride m’était si attaché.

Louis expliqua le rôle supposé des tigres-lions, ce qui la laissa rêveuse. On ne s’étendit cependant pas sur le sujet. Un problème technique de taille freinait le plan.

Tous les deux vous savez ce que je suis… à moitié. Je veux bien vous suivre *je ne saurais pas faire autrement que de suivre Achille* Mais… L’eau est vitale pour moi. Sans Bagherra, je serais morte lors de ma première sortie terrestre.

Ayant réponse à tout, le roi décréta que le fleuve serait toujours présent. Il suffirait à la sirène de nager lentement en réapparaissant de temps à autre. Marché conclu. En attendant l’aube du départ, il leur fallait dormir d’autant que Sissi reconnaissait les signes avant-coureurs de la suffocation. Main sur le cou, elle balbutia :

Je dois rentrer à l’eau. On se verra demain, comme prévu.

Aussitôt Achille se leva, émettant son désir de la raccompagner à la rive. Côte à côte, ils avancèrent d’un pas vif vers le fleuve salvateur qu’ils atteignirent à temps. Ils étaient distants et si proches.

Je… retourne-toi, s’il te plaît.

En soupirant, elle ôta sa tunique qu’elle lui posa sur l’épaule dans une furtive caresse :

Tu me la rendras demain. Je sortirai vers midi.*Mon amour*

Le fleuve et ses méandres ne posèrent aucun souci à la sirène pour suivre les marcheurs. Eux devaient peiner dans le fouillis de végétation de la berge. De temps à autre, elle pouvait distinguer la tête blonde du fier guerrier et son cœur bondissait alors sans douleur. Si l’absence visuelle se prolongeait, Sissi devenait affreusement triste. Ces hauts et bas permanents étaient usants.

Inquiète, Sissi occupait le centre du fleuve et cherchait à distinguer un mouvement dans les bois. Propulsée par sa caudale elle creva la surface, et descendit le flot à la recherche d’Achille. Cela faisait un moment qu’elle ne l’avait plus vu, pas plus que Louis ou Hélène qui, finalement, semblait se joindre au groupe quoique à distance.
Cette absence lui parut anormale. Midi ne tarderait pas, mais où accoster ?


*Il avait promis…*


Le chagrin s’empara à nouveau d’elle. Son chant s’éleva. Il y répondit.
Qu’il était beau en pleine course !
Le Grec agita une main dans sa direction, l’autre déposa la tunique près d’un petit bosquet.
Séchée et humaine, elle put enfin l’aborder :


Tu m’as manqué ! Pourquoi je ne te voyais plus ?... Ah ? Vous avez retrouvé les autres ! Nous sommes au complet, alors ?...

Achille paraissait aussi heureux qu’elle de leurs retrouvailles quoique son regard conservât un soupçon de tristesse. Quand leurs mains s’unirent d’un élan mutuel, ils supportèrent vaillamment l’épreuve et purent se sourire à nouveau. D’après le héros de Troie, ils étaient attendus pour un dîner concocté de concert par Louis et Amelia.

Ils s’installèrent dehors, la cabane du couple étant étroite.
Celle présentée comme aviatrice des temps modernes plut beaucoup à Sissi. La conversation entre elles fut rapidement aisée.


…Oui, je suis sirène la plupart du temps, hélas… Non, je ne me rappelle pas grand-chose… Richard rien ? Je suis navrée, je ne saurai pas vous aider.

Chacune évoqua ses souvenirs en mangeant. Façon de parler parce que Sissi n’arrivait pas à avaler le gibier proposé. Lorsque Louis emporta une écuelle vers la forêt, l’impératrice s’étonna :

D’après Louis, c’est la plus merveilleuse femme de la Terre. Tu crois que c’est pour ça qu’elle ne se montre pas ?... Ou alors ON l’a changée, comme nous tous… Quelle misère que Richard soit si amnésique ! Au moins, avec Louis, nous avons de quoi recoller les morceaux !

Leur rire s’arrêta soudain avec l’irruption dudit Louis tirant Hélène à sa suite. Leur peur ne faisait aucun doute, et ils avaient bien de quoi être terrorisés. Le monstre qui les pourchassait aurait dressé les cheveux à n’importe qui.
Refuge obligé pour une sirène : le fleuve !


TOUT LE MONDE À L’EAU !

Belle débandade !
Sitôt les pieds dans le fleuve, la nature sirène reprit ses droits. Comment se débarrasser du monstre, en sauver ses amis ? Par cette sorte de télépathique qui permettait aux êtres aquatiques de communiquer, Sissi appela de toutes ses forces celui qu’elle avait délivré de la moule géante.
Attirer le monstre terrestre dans le fleuve était une autre paire de manche.
Prête à tout sacrifier, à donner sa vie pour celle d’Achille, elle effectua un ballet nautique très réussi. Le dinosaure aimait-il le poisson ? Le fait est qu’il s’aventura dans le fleuve. Son ami calamar fit le reste.
Dire qu’Achille avait craint le pire pour elle ! Quand il la rejoignit au milieu de l’eau rougie du sang de la bête, elle lui entoura le cou en riant :


J’ai plein d’amis dans la rivière ! Sur terre, je n’en veux qu’un !

Une sirène peut-elle se noyer ? Dans les yeux de l’élu, sûrement.
Elle aurait volontiers consenti à prolonger cet instant magique s’il n’y avait eu les autres. À nouveau en jambes, Sissi aida à la récupération des ruines de la chaumière des retrouvés. Qu’est-ce que Richard tirait la gueule !

Les chats les guidant, on suivit à nouveau le fleuve interminable.
Le délai pédestre étant épuisé, la sirène dut, le cœur gros, retourner à son élément. Achille n’en menait pas large non plus mais, contraint, il ne l’empêcha pas de plonger, l’accompagnant même dans l’eau un moment très agréable. Là, ils pouvaient se toucher sans trop souffrir de la proximité mais aucun d’eux n’osa aller trop loin dans ces contacts.

La faim la tenaillant, Sissi reprit des forces en chassant un peu. Son héros lui manquait tellement qu’elle émergea plus tôt que prévu. Ce qu’elle vit la paniqua : la forêt flambait. Vision d’horreur s’il en est.


*Pourvu qu’ils pensent à…*


Décidément, ce jour-là était dédié aux bains multiples et à la disette ! Si elle avait pu se restaurer, les autres pas encore. Tout à sa joie d’être à nouveau près d’Achille, Sissi remarqua à peine la tension régnant entre les quatre autres.

*Ils se tirent la gueule mais pourquoi ?*

Peu importait pour l’instant. Ce qu’il fallait à ses compagnons c’était de la terre ferme or là toute la rive gauche n’était qu’un immense brasier.

Les chats ! Quelqu’un a vu nos chats ?

Nul ne les avait aperçus mais eux les trouvèrent.
La traversée fut plus aisée en étant tractés par les hybrides.
Malgré cette précieuse aide, hommes et femmes étaient épuisés en touchant la rive opposée.´
Fatigue, épuisement, dénuement : tous mêlés.
On se traîna au sec, comme on put et alla s’affaler pour reprendre des forces. Dormir dans les bras d’Achille était aussi tentant qu’imprudent. La mort dans l’âme, Sissi le quitta encore.

Après avoir passé la nuit au creux de rochers sous-marins, la sirène débusqua un peu de poisson avant de remonter à la surface et, dans le matin blafard, sourit. Le beau guerrier n’avait pas quitté le bord du fleuve comme prêt à l’accueillir dès qu’elle y apparaîtrait.
Effectivement, il se dressa aussitôt un pied posé sur la berge. L’air heureux et troublé, il s’avança à sa rencontre. Sans doute que la tunique mouillée de Sissi lui faisait de l’effet. Passant ses bras autour d’elle, il lui octroya une longue étreinte avant de lui prendre la main.


… oui, j’ai bien dormi et vous autres ?... Tu vois, j’ai amené le petit-déjeuner.

Des autres, il n’en savait trop rien. Ils étaient remontés plus haut près des bois. C’est là qu’ils les trouvèrent en train de s’éveiller. Hélène ne s’était pas enfuie à la vue de Sissi, cette fois. Même si Louis ne se priva pas de reluquer l’anatomie de l’impératrice trempée. Renfrogné, Richard grommela quelque chose et gagna les fourrés tandis qu’Amelia saluait les arrivants.
Constatation navrante : tout l’équipement était perdu à part un couteau ou l’autre que certains avaient sur eux au moment du plongeon.


Pour la nourriture, ne vous en faites pas, déclara Sissi. Je chasserai encore. Achille saura fabriquer un harpon, il y est très habile.

Volubile, Louis assura que Richard ne tarderait pas à trouver un moyen de faire du feu. Le tout était de voir si c’était bien utile en ce moment. Tous avaient déjà dû un jour ou l’autre manger cru, alors…

Pourquoi perdre du temps avec la cuisson ? On dirait que les chats sont pressés de se mettre en route. Si nous y allions ?


On attendit le retour de Richard qui avait exploré les environs immédiats. Cette rive ressemblait beaucoup à sa voisine ravagée en grande partie dans la nuit. Les hybrides menant le train, on marcha longuement, la plupart du temps en silence.
Sans y prendre garde, le groupe s’écarta du fleuve. La sirène fut la première à s’en rendre compte lorsque l’air commença à lui manquer :


Achille ! De l’eau… vite !

L’atroce sensation d’étouffement la fit ployer. Ramassée à la hâte par le guerrier, elle ne pouvait plus émettre que de pénibles sifflements. Affolé, Achille ordonna à leur chat de les conduire à de l’eau. Une course folle se déroula de laquelle Sissi ne vit rien évanouie. Le contact brutal avec le liquide la ranima dans les bras de son héros à qui elle osa octroyer un petit baiser sur les lèvres :

Merci, il était temps ! Où sommes-nous ?


Il s’agissait d’un lac paisible voire charmant. Émerveillée, Sissi pointa un doigt :


Regarde, là ! Ne serait-ce pas une des pierres dont Louis nous rebat les oreilles ?


Les autres arrivèrent peu après, et tous se réjouirent de la belle trouvaille.

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Achille, héros de Troie

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MessageSujet: Re: Courant d'air.   Courant d'air. - Page 4 EmptyJeu 15 Sep - 18:20

Une vraie mère, ce Louis ! Certes, là, il jouait bien son rôle de fiston éperdu, à pleurer toutes les larmes de son corps. Assez troublant, tout de même alors qu’un de peu de souvenirs gardés le dépeignait plutôt comme homme rude et sans doute très peu enclin aux pleurnicheries. Louis, cher homme, insistait sur la possibilité d’une hallucination. Lui, s’entêtait, en sanglotant. L’autre insista un peu mais qu’il avoue le nom de la merveilleuse sirène sembla le faire réfléchir. Bon an, mal an, ils regagnèrent le campement. Achille retrouva sa couche avec soulagement, ce n’était pas seulement l’âme qui lui faisait mal, tout à coup il se sentait terriblement fatigué, si misérablement abattu. Tel une mère poule, il s’en fallut de peu pour que Louis le berce et lui donne encore un bisou de bonne nuit. Un peu d’amour propre refaisant surface, il grogna et entendit son ami soupirer, l’imagina secouer la tête dépité, Louis n’était pas encore sorti, qu’il avait sombré dans un sommeil lourd. Que de rêves étranges ne hantèrent-ils pas ce repos ! Il se revit une et une autre fois, lors de ce combat épique soutenu contre Hector, sous les murs de Troie mais au moment de lui donner la mort ce n’était plus le prince troyen qu’il tuait…c’était la créature de l’eau…Sissi ! Sa Sissi…Il le savait et cela ne fit qu’accroître son angoisse…

Des bruits inusuels le tirèrent de ce sommeil inquiet. Pendant un instant, il suivit les allées et venues de Louis qui s’adonnait à fouiller leurs affaires, avec grand entrain. Un détail attira puissamment son attention : le roi ruisselait. Relevé sur un coude, Achille le considéra, sourcils froncés, un terrible soupçon s’insinuait en lui.


Qu’est ce que tu fais, là ?

Ce que je fais ? Euh… du rangement.

Ouais…et c’est pour ça que tu es tout mouillé ?

Louis prit son petit air crâneur.

Je suis trempé ? Ben oui, j’ai été me baigner. J’ai le droit, non ?

*Se baigner ?...À cette heure ?...Il est allé…maudit homme !*

Furieux, sans trop savoir pourquoi, il bondit pratiquement sur Louis et le prit du cou.

Tu es allé la chercher ! Que lui veux tu ?...T’en a pas assez avec ta mégère sylvestre !?...Tu es allé la voir, non ? Tu es allé voir ma…la sirène, non !?

Et de le secouer mieux qu’un prunier alors que l’autre manquait de s’étouffer pour de bon mais se trouvant quand même l’esprit à la réplique. Il reconnut, sans trop d’ambages avoir fait exactement ce que lui reprochait le héros de Troie. Il avait bien vu la sirène et était arrivé à d’intéressantes conclusions.

C’est bien ta Sissi ! Elle est triste à en mourir…

Et quoi ? C’est ma faute ?

Évidemment, Louis ne lui épargna pas la peine, lui rappelant que c’était bien lui qui avait lancé son javelot contre la créature de l’eau. Faute de mieux et se sentant plus que coupable, il finit par le lâcher et l’aider à chercher quelque chose pour habiller décemment la naïade. Loulou discourait, question d’habitude, jurant, sans qu’on le lui demande n’avoir rien vu des charmes, assez visibles pourtant, de la belle sirène. Ce n’est pas cela qui améliora l’humeur du grec.

Tu...vas donc la revoir ?, quel grognement enragé.

Et Louis d’assurer tout content :


Oui, elle m’attend sur la rive. Je lui ai promis de lui rapporter des vêtements mais on a si peu de chose…

Et que voulais-tu ? Cède-lui ta chemise !

Pas question pour Louis de le faire. Une couverture devrait faire l’affaire. N’étant pas question de laisser le roi aller seul retrouver la demoiselle, Achille sortit à la suite de celui-ci en quittant la tente. Ils n’allèrent pas bien loin. Une vision sublime les arrêta sec. Là, à quelques pas à peine, se tenait la sirène…sauf qu’elle avait retrouvé ses jambes…et par tous les dieux de l’Olympe…quelles jambes ! Achille resta là, ébahi, incapable d’émettre le moindre mot, n’ayant d’yeux que pour elle, en sentant son cœur battre de façon erratique et...douloureuse. La voir le plongeait dans un ravissement intense mais le faisait aussi souffrir. Inexplicables mauvais tours du destin…Il lui sembla que Louis disait quelque chose, cueillait les dons qu’elle lui tendait gracieusement et avait l’heur d’aller s’occuper ailleurs.

Tu…tu…enfin…c’est…je veux dire…

Il aurait mieux fait de se taire au lieu de balbutier comme un demeuré. Et puis cette douleur lancinante qui lui vrilla le crâne, d’instinct, il se massa la tempe dans l’espoir de l’atténuer mais rien n’y faisait. Elle le remarqua.

Ça… ça te fait mal, à toi aussi n’est-ce pas ?

Entendre sa voix mélodieuse le tira de cette espèce d' hébétude.

Oui. Ça fait mal…mais ça ne fait rien…tu es là !

Pas le grand discours mais pour les effets, cela exprimait clairement sa pensée. Si la regarder lui faisait si mal, quel effet cela ferai la toucher ? L’envie le démangeait mais préféra remettre l’expérience, surtout pour ne pas effaroucher la belle même si elle avait l’air bien plus tranquille que lui. Se taxant de tous les noms, Achille fit un effort pour se ressaisir, n’y réussissant qu’à moitié. Le prenant sans doute en pitié, elle prit en charge la conversation.

J’ai beaucoup hésité à venir mais n’ai pas pu m’en empêcher, je voulais être sûre de ne pas avoir rêvé quoique ton coup de lance soit suffisant pour m’en dissuader…

Fallait il qu’on le lui rappelle constamment sa bêtise ? Il s’en maudit encore une fois.

Je n’ai vraiment pas voulu…tu le sais…

*Devrait s’en douter, quand même*

De toute façon, le mal était fait, il restait comme la grande brute de l’histoire.

Ça…te fait trop mal encore ?

Elle sourit divinement en secouant la tête.

Non, je le sens à peine, ne t’inquiète pas pour ça. Dis-moi, sais-tu ce qui nous arrive ?

Elle était directe.

Pas trop…enfin…j’ai une certaine idée…mais j’arrive pas à la fixer…ça manque de toute cohérence. Je cherche un souvenir auquel m’accrocher…mais là, c’est le grand vide…Tu sais quelque chose, toi ?...As tu…des souvenirs ?

Soupir dépité.

Ce dont je me souviens ? Euh… chaque fois que j’essaye de me rappeler, c’est pénible. J’ai eu des rêves assez bizarres. Tu vois, quand je suis dans l’eau, je vais mieux que sur terre, je veux dire que je peux penser plus librement...

Tu en as, de la chance…moi, ni sur terre ni dans l’eau…suis paumé. Perdu…et quand je dors…mes rêves sont totalement décousus…absurdes…et la plupart du temps ressemblent à des mauvais cauchemars…mais tu dis que tu as eu des rêves bizarres...quel genre de rêves ?

Il avait du mal avec les siens et le voilà intéressé à ceux de son prochain. Dérisoire.
Elle ne semblait pas le penser et sans détours raconta son rêve…pour étrange, il l’était, ce rêve. Un inconnu rigolant devant un tableau animé…Allez savoir ce que cela pouvait signifier en tout cas, ce n’était pas lui, Achille, prince des Myrmidons, qui saurait l’interpréter.


La seule chose que je sais sciemment est d’être mort à Troie, le soir où elle est tombée en nos mains…et de m’être réveillé au bord d’un fleuve immense…vivant de nouveau…Louis assure qu’on s’y est rencontrés. Faudra le croire sur parole…il assure aussi qu’on faisait partie d’un groupe…mais…je n’en sais rien…

Si lui savait qui il était et d’où il venait cela n’allait pas pareil pour elle. À peine si elle savait son nom…mais à part ça, son premier souvenir était la pierre dans l’eau et sa caudale argentée à la lumière de la lune.

*Elle aura été sirène toute sa vie…ou quoi ?*

Le retour de Louis, dont ils n’avaient pas eu conscience du départ, les surprit, surtout qu’il n’était pas seul. Achille reconnut de sitôt la fille qui accompagnait le roi-soleil. La mégère des bois.

*Sauvage ou pas, elle vaut le détour…si elle souriait…*


Mais la demoiselle n’y semblait pas trop disposée. D’un geste assez brusque, elle fourra dans les mains de Sissi un chiffon qu’il supposa être une tunique comme celle que la miss forestière portait si gracieusement.

Enfile-ça ! Ce que tu portes doit être inconfortable et est un peu trop… tu me comprends.

Il n’y aurait qu’elle à savoir à quoi faisait allusion ce commentaire presque âcre mais personne ne s’en formalisa, la mignonne blonde et les manières délicates, ça faisait décidément deux. SA merveilleuse sirène alla se vêtir et à son retour, il resta clair que ni lui ni Louis, que le diable l’emporte, ne pouvaient pas la quitter des yeux, tant et si bien, que la « douce » Hélène s’en sentit vexée et déserta les lieux sans préavis faisant que Louis lui coure après…sans succès.

Pauvre gars…elle fait ce qu’elle veut de lui.

Simple commentaire que la belle sirène interpréta comme elle voulut. Si Louis était dépité de ne pas compter avec sa sauvageonne pour le dîner, il dissimula gracieusement ses états d’âme et pour ne rien changer à ses habitudes, parla, parla et continua de parler. Fameuse mise à jour pour Sissi, en tout cas. Achille, lui avait déjà eu droit à l’histoire à l’endroit et à l’envers, plus d’une fois, pour en pas dire que presque une fois par jour. Le 14ème du nom semblait convaincu que de tant les répéter, ses vérités finiraient bien par percer son esprit obtus. Jusque là, le résultat laissait encore pas mal à désirer. Après un bon moment de royal monologue, Achille, le plus poliment qu’il put, interrompit carrément :

Pour faire un peu plus court…ce que Louis prétend est que nous allions chercher ces deux autres.

Mais sais-tu où aller ?


Pas du tout. Mais si on croit ce que raconte Louis, les chats sauront se débrouiller. Celle qui t’accompagne…veillait sur nous et se nomme Bagheera.

Cette allusion à un « nous » sembla la troubler, amenant une délicieuse rougeur à ses joues mais se reprenant suivit les nouvelles explications de Sa Majesté sur le rôle des félins. Pas grand besoin de s’étendre sur le thème : les hybrides étaient en quelque sorte leurs gardiens et leurs guides. Que la belle Sissi assure que sans l’aide de son félin, elle aurait péri, loin de l’eau, ne fit que corroborer cette idée. Ce besoin de milieu aquatique à proximité était un obstacle à vaincre, s’ils voulaient faire leur chemin ensemble.

Cher Louis, il ne se laissait pas mettre en échec pour si peu. Ils longeraient la rivière, Sissi suivrait en nageant. L’idée de la voir repartir était loin de le combler de bonheur mais il est des choses, étranges ou pas, qu’on devait accepter, surtout quand la naïade commença à suffoquer. Force fut de se presser vers la berge. Arrivés près de l’eau, sans même avoir osé prendre sa main, il la regarda un instant, doutant sur son suivant geste mais elle le devança en disant doucement :

Je… retourne-toi, s’il te plaît.

Sans trop comprendre ses raisons, il obéit. Une minute plus tard, avec un geste léger comme aile de papillon, elle frôla son épaule en y posant sa tunique.

Tu me la rendras demain. Je sortirai vers midi.

Attends !!!

Mais déjà elle avait plongé, il ne put voir que la caudale argentée se perdre dans les remous sombres et se sentit profondément malheureux.

Le lendemain ils étaient en route. Vers où ? Nul, à part le chat, ne semblait le savoir. Achille avançait, droit devant, sans faire trop attention l’habituelle péroraison de Louis. Son unique but : arriver où qu’ils aillent et retrouver Sissi. Mais bien entendu, rien n’est comme on veut. Hermès, leur guide félin, mû sans doute par son instinct décida de faire un crochet et gambada allègrement vers la forêt toute proche, s’éloignant du rivage. Louis le suivit. Bien que répugnant s’éloigner du fleuve, Achille se lança à leurs trousses. Il dépassa bientôt le Quatorzième sans perdre du regard le gros chat qui filait comme le vent. Cette course folle les mena à une clairière. Une autre bête, en tout identique à Hermès, surgit d’entre les arbustes. Nul doute, un ami de vieille date, si on en jugeait à leurs joyeuses roulades et grognements de satisfaction. Mais Gros Minet n’était pas seul. Un homme se tenait là, arc en main, enclenchant déjà une flèche. Pur réflexe, le guerrier apprêta le javelot.

QUI VA-LÀ ?

Pas très amical, le bougre ! Il semblait tout disposé à le torcher de flèches mais sembla soupeser la possibilité de finir lui aussi embroché sans miséricorde. Pourtant Achille n’était pas très sûr de vouloir transpercer l’inconnu, un étrange sentiment l’envahissait face à cet homme, une inexplicable assurance qu’il ne s’agissait pas d’un ennemi. L’apparition d’une tierce personne augmenta cette sensation de doute. Il s’agissait d’une jeune femme rousse en robe fleurie.

Meeley, tu le connais, l’as déjà vu ?

Meeley ? Ce nom remua quelque chose en lui au temps qu’une douleur gênante lui vrillait le cerveau, mais avant qu’il puisse dire quoique ce soit Louis entrait en scène, exubérant, ravi, courant vers le couple, bras grands ouverts comme qui va à la rencontre de vieux amis qu’on n’a vu depuis longtemps, sauf que l’homme à l’arc ne semblait pas du même avis et le somma de rester sur place. Comme on pouvait s’y attendre, Sa Majesté ne se laissa pas arrêter pour autant, se lançant dans un de ses discours fleuris et émouvants, procédant finalement à se présenter, que l’autre s’écroule comme frappé par une massue donnait de quoi penser.

*Je sais Louis assommant…mais quand même !*


Abandonnant son attitude belligérante, le guerrier s’approcha de l’évanoui et de la femme.

Qu’a-t-il ? Il est malade ? Blessé ?

La rouquine lui lança un regard désolé et secoua la tête en assurant qu’il irait bien dan s un moment. Explication valable, s’il en est. Ce cher Louis semblait plutôt déconfit de l’effet contondant de ses paroles.

Comme quoi, la prochaine fois, tu la fermes !

De quoi mettre le monarque en veine de discussion. Selon lui, ces deux là étaient le couple manquant. Richard et Amelia. Leurs amis. Le groupe était au complet…enfin façon de dire, avec Hélène courant les bois et Sissi vivant au gré des flots.

On verra bien, Louis, mais pour le moment…tais toi !

Richard reprenait ses esprits. On l’aida à se remettre sur pied. Le bonhomme ne semblait pas trop réceptif par contre sa compagne les invita à se joindre à eux pour le repas. Et comme toujours quand on parlait de manger, Louis était partant. Tout à sa joie, il prit les devants avec la jolie rousse en bavardant à tort et à travers. Richard et lui suivirent le mouvement, en silence.

Leur habitation s’élevait non loin de là, près du fleuve. Mine de rien, le guerrier scruta les flots calmes dans l’espoir d’apercevoir sa sirène. Le soleil serait bientôt à son zénith, elle viendrait alors. Richard joua les bons hôtes, sans trop de conviction et proposa à boire. Le vin de fruits ferait l’affaire. Le roi et la belle s’occupaient des mets à préparer. Peu disert par nature, Achille fit quand même l’effort d’activer la conversation.

Cela fait quelques jours qu’on vous cherche.

L’autre sembla assez surpris de cet aveu, force fut de donner certains détails.

Enfin, Louis vous cherchait …Il assure qu’on était un groupe, avant. Je ne garde aucun souvenir de cela…ni de rien d’autre, en fait …

Ah ! Des trous de mémoire aussi ? Bienvenue au club en ce cas !

Très réjouissant. Leurs histoires se ressemblaient de manière absurde. Leurs vides de mémoire tout aussi douloureux. En parler n’arrangeait rien, y coupant court, il se leva et sans donner d’autres explications, quitta la cabane. Presque aussitôt le chant de la sirène lui parvint. Elle l’appelait. Il courut la retrouver, sûr que pour alors Louis aurait raconté aux autres qu’il avait rendez vous avec une créature de l’eau. Il s’en fichait, l’envie de revoir sa douce Sissi était la seule chose qui comptait. Surgie de l’onde et rhabillée, elle le rejoignit.

Tu m’as manqué ! Pourquoi je ne te voyais plus ?

Au moins prendre ses mains même si le malaise s’instaurait au moindre contact mais ne pas la toucher était encore pire.

On a fait une rencontre…Richard et Amelia. Louis est ravi, tu t’en doutes…au moins il ne me cassera plus les pieds avec cette histoire.

Ah ? Vous avez retrouvé les autres ! Nous sommes au complet, alors ?...

On dirait même si ça cloche de partout…ils savent pas plus que nous …y a que Louis qui ait des souvenirs concrets, je me demande bien pourquoi…c’est injuste…il a une autre raison valable pour nous assommer avec ses histoires. Mais tu le verras par toi-même, on nous attend pour manger !

Amelia accueillit chaleureusement la nouvelle venue. Richard demeura peu disert mais cela semblait être sa nature. Il se contentait d’observer sans trop parler. Ce ne fut qu’une fois dehors, réunis autour du repas, quand Louis, muni d’une écuelle eut filé vers les bois, que le taciturne anglais parla.
Apparemment, le Roi lui avait déjà touché deux mots sur son projet de poursuivre l’expédition en groupe, ce qui ne semblait pas trop enchanter Richard. Il le dit sans détours, selon lui, avec Amelia ils se sentaient très à l’aise là où ils étaient et ne voyait aucun besoin d’aller chercher plus loin. Achille pouvait bien comprendre cette position, lui-même aurait préféré rester là, au calme, près de la rivière, à proximité de Sissi. Avoir la paix était tentant mais…

Notre présence ici n’obéit qu’à la volonté d’Autres…nommez les comme il vous plaira. Ils nous ont réduit à cet état, privé de notre mémoire pour mener ce que je suis sûr n’est qu’une de leurs affabulations tordues. Le cas est que nous devons demeurer unis, c’est la seule chose que je parviens à tirer au clair. Disons qu’il s’agit en quelque sorte d’une mission et cela nous concerne tous…aux dires de Louis nous étions sept…celui qui manque à l’appel était son frère. Je pressens qu’on ne le reverra plus.

C’était déjà trop de discours. Il préféra reporter son attention sur Sissi qui mangeait à peine et encore du bout des lèvres. À croire que ce ragoût ne la comblait pas, après tout pour qui se nourrit des fruits de l’eau, difficile d’agréer autre chose. Il allait en faire le commentaire quand une sensation connue de danger imminent le fit se dresser.

Que se passe-t-il, vous… sentez quelque chose ?

Quelque chose vient…il y a danger, apprêtez vous à…Bon sang, Louis !!!

En effet, fonçant à toute vitesse, tractant la belle Hélène à sa suite, Sa Majesté avait l’air décomposé de panique. Tous comprirent au quart de tour en avisant ce qui leur courait après. La plus monstrueuse des créatures, l’œil hagard de folie meurtrière faisant claquer ses mâchoires démesurées, essayant d’attraper ses proies esquives. Il y parviendrait tôt ou tard, aucun d’eux n’était de taille à affronter un adversaire pareil. Javelot en main, il pouvait l’atteindre mais la certitude que son arme ne parviendrait qu’à lui faire des chatouilles ou au pire l’enrager un peu plus, le consterna au plus haut point. Ils n’étaient tout de même pas arrivés là pour servir de pâture à ce suppôt des enfers. Sissi appela à un repli général vers le fleuve. Personne ne trouva rien à redire.

Cavalcade affolée vers les flots salvateurs.


De retour à son élément, Sissi avait retrouvé ses attributs de sirène. En émergeant après le plongeon, Achille la chercha du regard. La voir s’agiter en un singulier ballet, attirant sur elle l’attention du monstre, le fit se hérisser de panique. Si elle était happée par cette gueule avide…La seule pensée de la perdre, décupla sa rage et impuissance. Si elle mourait, lui ne voulait rien savoir de plus…

Richard essaya de le retenir, il lui largua un coup de poing à assommer un bœuf et nagea vigoureusement vers la sirène. À mi chemin, il fut surpris par un spectacle dantesque, le monstre semblait avoir trouvé un ennemi de sa taille, un ennemi très puissant si on ne croyait à la facilité dont il entraîna l’autre vers le fond. Une lutte titanesque s’engagea, rougissant les eaux. Parvenu auprès de sa belle, le héros la cueillit dans une étroite étreinte.

Folle que tu es…Ce monstre aurait pu te gober sans effort…

J’ai plein d’amis dans la rivière ! Sur terre, je n’en veux qu’un !

Tant mieux alors…je supporte mal la concurrence.

L’eau leur procurait un bien être merveilleux, la sensation de malaise éprouvée quand ils étaient au sec, s’atténuait jusqu’à presque disparaître. Là, il pouvait la toucher sans que cela fasse mal et même si cela l’avait fait, le faire était un besoin vital. Écartant une mèche humide de son visage, il lui effleura la bouche d’un baiser très tendre.

J’ignore comment c’était avant…d’une chose, je suis sûr, j’ai besoin de toi pour vivre !

À sa douce réponse, il sut que tous les espoirs étaient permis. Mais déjà le bon sens parlant, force fut de rejoindre les autres sur la berge. Le passage du monstre n’avait laissé que ravage. Il ne restait rien de la cabane, balayée comme fétu de paille. Ils aidèrent à récupérer le peu qui restait entre les ruines non sans remarquer la fureur de Richard.

Obligés de vous suivre, maintenant !

On dirait, oui !, se contenta de dire Achille en ramassant son javelot.

Que pouvaient-ils faire d’autre à part continuer avec le plan de Louis. Suivre le cours du fleuve, à la suite de leurs guides félins. Humeurs mitigées. Hélène suivait de loin laissant à Louis le loisir de se montrer charmant avec Amelia, ce qui sans doute n’améliorait en rien l’humeur de Richard. Sissi et lui fermaient la marche. Légers d’équipage, ils allaient plutôt bon train. Peu avant la nuit, on s’arrêta pour improviser un campement de fortune. Ils disposaient de si peu. Laissant aux autres le loisir de l’installation, il accompagna Sissi qui devait impérativement regagner son élément. Se fichant de l’avis des autres, le guerrier resta avec sa belle encore un moment, jouissant des bienfaits de l’eau qui leur permettait d’être plus proches.

Je deviendrai triton au besoin...je ne veux pas te quitter !

Mais évidemment, celui-ci n’étant pas le cas, il dût bien se résigner. Il regagnait le campement quand, provenant de la forêt toute proche, des voix altérées lui parvinrent. Reconnaissant celle de Louis, très énervée, il pressa le pas. Pas de doute, on se disputait bellement près de là. Il arriva sur les lieux alors qu’Amelia, en larmes, les abandonnait. Un coup d’œil rapide aux présents le fit se poser quelques questions mais les plantant là, se lança à la suite de la rouquine éplorée, suivi de sitôt par Richard.

*Que diables s’est il passé ? Enfin, avec Hélène dans le coin, on peut s’attendre à tout ! C’est une fouteuse de trouble, ça n’aura pas changé…*

Ne connaissant pas Richard, il ne pouvait émettre de jugement. Les histoires de Louis laissaient comprendre que la belle Amelia et son silencieux compagnon étaient bien un couple. Par la suite, il avait vu Louis très guilleret conter presque fleurette à la rouquine…Richard de son côté pouvait être attiré par la blonde sauvageonne…Mais décidant que ce n’était pas son affaire, il opta pour aller faire un tour pendant qu’ils tiraient au clair leurs différends. Il n’avait aucune envie de se retrouver au milieu d’une scène de ménage !

Il resta longtemps à regarder les étoiles, à penser à sa sirène et à l’histoire débile qu’il leur était donné de vivre. Il était tard quand il regagna le campement. Richard et Amelia ne se dirigeaient pas la parole mais Louis et sa demoiselle des bois semblaient s’être rapprochés. Sans poser de questions il se tailla un bout de la viande qui rôtissant au feu dégageait un fameux fumet. Il avait faim mais son sens de l’odorat captait d’autres effluves qui n’avaient rien à voir avec le festin. Il connaissait bien cette odeur acre et piquante. Il en avait emporté le souvenir dans la mort même…la vision de Troie en flammes le percuta comme un coup.


AU FEU !!!

Et pour donner crédit à son alarme, le ciel rougissait déjà des lueurs d’un brasier : non loin d’eux la forêt flambait. Quelques animaux affolés fuyaient vers le fleuve, la brise tiède de la nuit s’emplit des piaillements d’oiseaux en panique, de leurs cris à eux.

Un nouveau piège se fermait sur eux. La seule ressource qui leur restait était le fleuve. Abandonnant leurs déjà maigres possessions, ils coururent y chercher leur salut. Louis pestait joliment en accrochant sa belle, plus loin Richard et Amelia restaient assez près l’un de l’autre. Ils étaient à sauf pour le moment.

Nous ne pouvons que nager vers l’autre rive !

Ce ne serait pas tâche aisée pour tous. Le fleuve était large et le courant bien que moindre, n’était pas pour aider à l’entreprise. Lui, était un excellent nageur mais savait qu’il n’en allait pas de même pour Louis. Le roi pourrait il tenir le coup tout en soutenant Hélène qui donnait de signes d’affolement ? Il supposa que Richard serait un peu plus en forme que Sa Majesté. Amelia semblait parfaitement maîtresse de soi, se maintenant à flot, sans désespérer. Puis il la vit, à la lueur du brasier, émergeant des flots, paniquant un instant face à ce spectacle désolant. Il nagea résolument vers elle. La prendre dans ses bras fut à point de lui faire oublier les déboires de cette étrange nuit.

Nous y arriverons, à l’autre rive…mais Louis et Hélène ne tiendront pas le coup, pas seuls…le fleuve est trop large.

Il n’eut aucun besoin de dire qu’abandonner les autres à leur sort n’entrait pas en compte même si cela signifiait se noyer avec eux.

*Quoiqu’on est déjà tous morts une fois…*

Aucune envie de savoir si une seconde fois était envisageable.

Sissi s’enquit sur les chats mais personne n’avait songé aux minets, trop occupés à sauver la peau. Ils n’eurent pas à les chercher, les hybrides les rejoignirent au bout d’un moment, surgis d’on ne sait où. Ils prirent en charge la situation. La traversée du fleuve, fut éreintante, comme prévu. Sans l’aide précieuse des chats, ils n’auraient pu couvrir la distance sans couler irrémédiablement.
Exténué, le guerrier se laissa tomber sur l’herbe de la berge. Au-delà les eaux l’incendie de la rive opposée narguerait bientôt les lueurs de l’aube proche.

Reste avec moi…un moment...quelques heures…je t’en supplie !

Éphémère satisfaction. Ces instants volés ne faisaient qu’attiser le feu qui le dévorait, qu’augmenter la faim folle qu’il avait d’elle. Ils jouaient avec l’impossible, se résignant mal à ses contraintes. Recru de fatigue, il la serra contre lui, sachant qu’elle lui échapperait à peine le sommeil le prendrait. Il savoura ces derniers instants de conscience puis sombra dans une langueur profonde, loin de la réalité…

Le soleil se levait à peine quand il émergea de son lord sommeil, la tête encore embrouillée de rêves étranges. Il était seul sur la berge, les autres avaient dû se déplacer ailleurs. Il saurait bien les retrouver le moment venu. Un doux remous dans les eaux, précéda l’apparition de celle qu’il attendait. La voir avancer vers lui dans la douce clarté matinale, vêtue de sa tunique mouillée qui épousait chaque courbe, mit Achille aux affres de la tentation, mais se contenta de la serrer longuement dans ses bras avant de se mettre en chemin pour rejoindre les autres. Sissi avait apporté quelques poissons qui devraient tenir lieu de petit déjeuner.

La situation était précaire, ils avaient pratiquement tout perdu lors de leur fuite face au feu. Vaillant groupe de survivants. Hélène semblait avoir accepté le fait de devoir rester avec eux, Louis sensiblement ravi ne se priva pourtant pas d’admirer Sissi, ce qui lui valut un regard courroucé du héros possessif. Richard plutôt agacé les ignora, Amelia fut la seule à vraiment se réjouir de les voir.
Pas de feu, ni temps d’en faire. Les chats donnant des signaux d’impatience, force fut d’admettre qu’ils voulaient se mettre en route. Après avoir mangé du poisson cru sans y prendre grand plaisir, ils se résignèrent à suivre leurs guides. Cette rive ressemblait à celle quittée avec tant de précipitation. Seule la voix de Louis commentant ceci ou cela se laissait entendre de temps à autre.
Le soleil tapait dur déjà. Combien avaient ils avancé ? Beaucoup, sans doute, vu le rythme imposé par leurs guides.

Achille ! De l’eau… vite !

Cette requête angoissée le fit s’arrêter, se maudissant aussitôt de son manque de considération. Sans s’en rendre compte, ils s’étaient sensiblement éloignés de la berge salutaire et voilà que Sissi donnait de signaux d’étouffement.

Ma douce…que…

Sa question était déplacée, déjà la jeune femme perdait connaissance et sa respiration se transformait en sifflements douloureux. Sans perdre un instant, il la releva dans ses bras et entreprit une course folle.

Guide moi, Bagheera…montre moi l’eau…


Il fila comme le vent, le cœur lui cognant dans la poitrine à en faire mal, pas de l’effort fourni mais de la douleur qui l’envahissait à la seule pensée de pouvoir la perdre. Enfin, après ce qui lui sembla une éternité, ils parvinrent à une étendue d’eau. Lac ou rivière, il s’en moquait. Le contact avec l’élément salvateur ranimait la belle évanouie, ses jambes devinrent caudale et après un instant submergée, elle respirait normalement. Le baiser qui tint lieu de récompense, accéléra encore plus les battements de son cœur.

Merci, il était temps ! Où sommes-nous ?

Je n’en sais rien…Bagheera nous a conduits ici…on dirait un lac. Te sens tu bien ?...Je suis une brute, j’aurais pu y penser. S’il t’était arrivé quelque chose…

Elle n’y pensait plus, sans pourtant se séparer de lui, Sissi regardait les alentours, les trouvant charmants et fixant son attention sur un singulier amas de pierres élevé sur la berge.

Regarde, là ! Ne serait-ce pas une des pierres dont Louis nous rebat les oreilles ?

Il était assez mal placé pour le savoir, ne gardant aucun souvenir d’une Pierre quelconque mais en les rejoignant, vu les joyeuses exclamations de Louis, force fut d’admettre qu’ils étaient bel et bien en présence d’une de ces Pierres qui aux dire du monarque savaient se montrer plus ou moins prodigues, selon, dirait on, l’humeur et les circonstances. Suivirent les explications pertinentes de comment s’y prendre pour invoquer la générosité de cette singulière idole.

Après un bref conciliabule, tous étaient tombés d’accord sur le besoin de renouveler équipement et provisions en prévision, de jours moins heureux. Achille n’était pas trop sûr de vouloir se montrer humble face à un tas de cailloux et laissa les autres s’évertuer à leurs demandes qui étaient pratiques et variées. Mais il resta très vite clair que la Pierre n’accordait pas tous les vœux d’un seul coup. Louis leur expliqua qu’il leur avait fallu temps et patience, jadis, pour combler tous leurs besoins.

Nous resterons donc le temps nécessaire !

L’idée n’était pas pour lui déplaire. L’endroit était idéalement placé, entre l’eau et les bois. Sissi ne courrait pas de danger et ils pourraient chasser pour se nourrir.

Il faut tout de même des armes, nous ne pouvons pas rester démunis en terrain inconnu.

Louis assura que jamais la Pierre n’avait fourni d’arme.

Autres temps, autres mœurs, on verra bien ce que celle-ci en pense !

D’un pas décidé il s’approcha et émit, haut et clair, sans trop d’humilité il faut le dire, le vœu d’avoir glaive et javelot pour se défendre, couteau, arc et flèches pour chasser. La Pierre avait été rapide à combler les vœux des autres, là, elle sembla marquer une pause pour…réfléchir ? Louis tempêtait en argumentant que son vœu impie avait sans doute incommodé l’idole et le pressait d’y remédier au plus vite avant de se gagner la rancune divine.

Pour ce que j’ai à en faire, de leur rancune, ils m’ont déjà fait assez de mal !, riposta le héros, emporté.

À la surprise de tous, armes et artefacts de chasse apparurent face au prince des myrmidons qui les ramassa sans qu’un remerciement quelconque ne dépasse ses lèvres.

Avec les dons reçus en cette première ronde de requêtes, on put établir un semblant de campement. Laissant à Louis et à ces dames le soin de faire du feu et préparer les aliments, Richard et Achille se préparaient à la chasse. Au moment de partir, le guerrier s’approcha de Sissi, qui l’air mitigé, tressait habilement des longues feuilles pour en faire une natte.

Tu es en sûreté ici, mon ange, l’eau et proche et je ne veux courir aucun risque…Tu me manques déjà !

Si Louis soupira comiquement un peu plus loin, il s’en ficha carrément et embrassa doucement sa belle.

Je t’aime.

Faisant demi tour, il s’éloigna au trot rejoindre Richard à l’orée du bois. N’éprouvant aucun besoin de se communiquer, les deux hommes avancèrent en silence, l’hybride, nommé Sage, les précédait aussi silencieux qu’eux-mêmes. Soudain, la paix des lieux se vit dérangée par une série de grognements peu engageants, qui écoutés avec attention, n’étaient pas de rage mais de douleur. Sage pressa le pas, ils l’imitèrent. Le spectacle découvert, les fit frémir. Aux prises avec un reptile gigantesque un jeune ours luttait pour sa vie. Ses gestes entravés par les anneaux meurtriers étaient impuissants, il finirait étouffé sans avoir pu se défendre. Ses griffes puissantes avaient pu blesser l’agresseur mais cela ne diminuait en rien sa force.

Je déteste les serpents !, grommela Achille en dégainant son glaive.

Richard semblait sans parti pris mais accepta le javelot.

Se lançant dans l’inégale mêlée, Achille porta soigneusement son premier coup, tranchant furieusement la part la plus exposée du reptile. Il aurait volontiers visé la tête du monstre mais, mu par un élan solidaire, ne voulut pas blesser sa victime. La riposte sauvage du reptile ne se fit point attendre. Délaissant sa proie, il se déroula vivement pour s’attaquer au guerrier, sa gueule monstrueuse émettant un sifflement furieux, ses yeux jaunes fixant cette nouvelle proie avec perverse délectation. Le javelot lancé par Richard faucha l’élan meurtrier alors d’un coup certain de son glaive, Achille trancha la tête.


Monstre sorti des enfers…Je me demande ce qui nous attend plus loin !

Curieusement l’ours n’avait pas songé à fuir, ni semblait incommodé par la présence de Sage, qui lui non plus n’avait, semblait il, aucune intention de s’en prendre au plantigrade, se contentant de l’observer placidement.

Vu comme ça, ce n’est pas aujourd’hui qu’on mangera de l’ours. Laissons le se remettre de cette disgracieuse rencontre et allons chercher une autre proie qui n’éveille pas de pitié.

Un cochon sauvage ne les émut pas et suffisant à leurs besoins, ils regagnèrent le campement avec le fruit de leurs efforts. Achille se lavait du sang de leur proie dans les eaux calmes du lac quand son instinct le prévint de la présence d’un intrus. Avec précaution il saisit son glaive et se releva sans brusquerie…à quelques pas de lui se tenait l’ours, assis tranquillement, le considérant de ses yeux bruns.

Qu’est ce que tu veux, toi ? Écoute, ce n’est rien pour tantôt…file dans ton bois.

*Ça va de mal en pire, mon vieux, maintenant tu parles aux animaux !*

Mais l’ours ne bougea pas d’un pouce, émettant un petit grognement. Il fallut que juste à ce moment Louis s’amène puiser de l’eau, comme si la berge n’offrait d’autre endroit où le faire, il pila net en découvrant l’ours et ouvrait déjà la bouche pour hurler.

Ferme-la, bon sang, il ne nous veut aucun mal. On lui a sauvé la vie ce matin…on dirait qu’il en est reconnaissant.

Cela suffit pour que le 14éme du nom file en direction contraire en oubliant son seau.

Quand un moment plus tard le guerrier revint au campement…l’ours se dandinait à sa suite, tel un fidèle chien…


Il m’a suivi, j’y peux rien…
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Louis XIV

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MessageSujet: Re: Courant d'air.   Courant d'air. - Page 4 EmptyDim 30 Oct - 11:18

D’un « naturel » curieux, Louis s’était beaucoup étonné de l’attitude de ses compagnons. Un à un il les avait retrouvé, en commençant par Achille. Le point commun de tous était qu’ils ne se souvenaient pas, ou très peu, de ce qu’ils avaient vécu ensemble antérieurement. Avec une patience inhabituelle, le roi de France s’était échiné à recoller les fragments de mémoires manquant aux autres. Les anomalies étaient flagrantes en rapport à ce dont il se souvenait. Le héros de Troie semblait plus... aimable. Amelia et Richard s’accordaient à présent mais ce dernier paraissait hostile pour une raison inconnue. Aberrations monumentales, Sissi possédait des écailles dans l’eau et surtout Hélène, son Hélène, demeurait fermée à toute approche.
Lors d’une halte, il ne comprit pas trop ce qui se produisit. Selon le tableau découvert, Hélène et Richard avaient abattu la même proie et en revendiquaient la primeur de tir.
Ce qui choqua le plus Louis fut l’attitude de Burton. Déraillait-il complètement ou, vraiment, tentait-il de séduire la nouvelle amazone ? Tout s’était emmêlé jusqu’à reprendre un semblant de normalité. Hélène, amadouée un moment, lui avait demandé en tournant la broche du gibier dépecé :


Rappelle-moi encore, s’il te plaît… Qu’était-on l’un pour l’autre ?

Pas des amants mais presque, ma mie. Je t’ai aimée dès la première seconde où l’on s’est croisés dans ce monde de misères. J’adore le moindre de tes gestes, attitudes, sourires… si rares dernièrement. J’aurais voulu déposer à tes pieds les fastes de mon royaume, lequel est perdu aujourd’hui, hélas. Néanmoins, si je ne puis t’offrir autre chose : mon cœur t’appartient.

Louis… Je suis très touchée… je crois que moi aussi… je t’aime.

Rarement aveux si parfait n’exalta Louis. Osant l’impossible, il se pencha vers les lèvres frémissantes tendues vers lui.

AU FEU !!!!

Eh merde ! La saisissant de la main, Louis n’avait pensé qu’à une chose : sauver leur peau.
L’unique refuge était le fleuve. Ils y plongèrent de concert. Les autres avaient suivi le mouvement. L’embrasement total de la rive quittée les laissa pantois et très démunis. Sans le secours inespéré des hybrides gardiens, tous se seraient noyés. Piètre nageur, Louis avait accepté la croupe d’Hermès avec bonheur tandis qu’il tentait de maintenir Hélène à flot.
Une fois au sec, Il avait flatté l’animal et ne s’était concentré que sur son amour aussi trempé qu’épuisé.

Allons sur les hauteurs. On avisera plus tard.

Ô nuit…
Délaissant leurs compagnons d’infortune, le couple se réfugia contre des troncs accueillants. Peu importait qu’ils aient quasi tout perdu dans cette fuite désespérée. Louis se sentait gagnant puisqu’il put, enfin, s’allonger contre le corps de la favorite en titre.
En s’éveillant, l’ex-monarque ne dissimula pas sa joie d’avoir dormi aux côtés de la sauvageonne :


Tu vois, je ne mords pas, ma douce. Reste là. Je m’occupe du feu !

Il lui vola un soupçon de baiser avant de vaquer aux rituels matinaux, sauf que… Peu de chose étaient à disposition.
Richard, aussi lève-tôt que lui, se penchait sur le problème. Pyrite et silex pouvaient régler le problème. Néanmoins…


On n’a rien à manger… Nous n’avons plus de matériel… Ne devrait-on pas… ?


L’apparition d’une Sissi moulée divinement dans une tunique détrempée lui coupa le sifflet. L’œil sévère d’Achille posé sur lui le força à modérer ses compliments. Il se contenta de souhaits de bienvenues, et préféra vanter les poissons offerts en provisions.

Merci, Sissi ! On va se régaler ! Richard fouille ses poches. On va faire du feu, puis…

Raté ! Tous étaient debout à présent et un repas très frugal s’effectua avant de reprendre une route incertaine sous les directives des… chats.
Aucun doute possible, ceux-là savaient où les diriger.
Plus docile, Hélène accepta qu’il lui tienne la main tout du long. De peur de la froisser et de subir encore son éloignement, Louis se montra beaucoup moins disert que d’ordinaire. Puis il y eut cet épisode affolant. Personne n’avait songé au cas particulier de l’impératrice d’Autriche qui suffoquait loin du fleuve. Quand Achille l’emporta dans ses bras, Louis fondit d'angoisse :


Elle va mourir s’il ne trouve pas d’eau !


Achille sauva Sissi et, par la même occasion, découvrit un champignon à souhait. Aucun ne semblait se souvenir du miracle de cet assemblage de pierres. Louis mit un point d’honneur à leur rappeler le mode d’emploi :

Soyez précis et révérencieux ! Inutile de réclamer des armes : jamais elle n’en délivre !

Pourtant… Contre toute attente, malgré les mises en garde du roi, le guerrier obtint gain de cause et repartit avec un matériel de chasse complet.
Tous avaient vu leurs prières plus ou moins exhaussées. Ainsi Louis fut très satisfait avec une splendide batterie de cuisine et les épices allant avec. Les dames s’étaient occupées du linge, objets de toilette et de nuit. Bien sûr, il faudrait encore prier plusieurs fois avant de récupérer un équipement complet. Aussi installa-t-on un campement de fortune à proximité du caillou sacré.
L’humeur de tous était au beau fixe, comme quoi l’homme est content quand il est entouré d’objets matériels. Un beau feu, des tentes dressées, de quoi manger, que demander de plus ? D’autant que chaque couple semblait enfin en harmonie.
Achille et Richard partirent chasser. Être responsable de la sécurité des dames plaisait beaucoup à l’ex-monarque qui leur dispensa charme et talents sans trop en rajouter. Les complimentant équitablement, il réserva des attentions particulières à la sauvageonne apparemment plus docile depuis qu’il lui avait ouvert son cœur. Les légumes – tubercules, oignons, carottes- reçus de la pierre mijotaient doucement. Sissi avait rapporté des sortes d’anguilles lors d’un plongeon au lac, Amelia et
Hélène récoltaient des champignons. Louis, jugeant le niveau d’eau de la marmite trop bas, prit un seau et alla l’emplir. Il n’était pas pleutre et l’avait déjà maintes fois prouvé mais quand il vit Achille s’avancer vers le camp en étrange compagnie, il en perdit son bon sens :


Ach… Achille, derrière toi, il y aaaaa…

Ferme-la, bon sang, il ne nous veut aucun mal. On lui a sauvé la vie ce matin…on dirait qu’il en est reconnaissant.

Pas de doute, le héros était tombé sur la tête ! Depuis quand les ours faisaient-ils ami-ami avec les humains ? N’écoutant que son courage, Louis détala vers le camp qu’il ameuta à grands cris :

Courez ! Grimpez dans les arbres ! Un ours fonce sur nous, et Achille est devenu fou !

Aucune de femmes ne lui obéit. Tous se munirent d’armes rudimentaires. Arcs bandés ou couteaux de cuisine brandis, ils attendirent un assaut qui… ne vint pas.
Très calme, voire embarrassé, Achille apparut avec à sa suite le gros nounours aussi paisible qu’un toutou :


Il m’a suivi, j’y peux rien…

Richard suivait à quelques pas en arrière, apportant sur son dos, les cuissots d’un cochon sauvage.

Euh… Tu vas bien, Achille ? Tu sais… la prochaine fois que tu rentre de chasse, fais comme Richard et ramène l’animal, euh… mort ! Si tu veux, passe-moi ton glaive et je l’occis à ta place !

Dépourvue de crainte, Sissi s’élança vers son beau guerrier qu’elle étreignit en réclamant des explications.
Selon toute vraisemblance, le plantigrade délivré des anneaux étrangleurs d’un énorme serpent s’était pris d’amitié pour ses sauveurs. Tous fixèrent cette grosse boule de poils bruns mais seule l’impératrice osa s’en approcher.


*Elle devrait faire gaffe ! Les ours mangent du poisson !*

Peut-être Achille émit-il des pensées similaires car il voulut freiner sa belle sirène dans son élan vers l’animal.

Laisse-la faire ! dit Louis. C’est-elle qui a su « comprendre » les chats…

L’impératrice avait-elle obtenu un don particulier de « parler » aux bêtes ? Toujours est-il que l’ours ne manifesta aucune animosité à son approche mais recula afin d’éviter le contact de la main qui se tendait vers lui.
Très douce, Sissi lui débita un beau discours de sa voix enchanteresse. Son sourire éclatant assura à tous que nul danger n’était à redouter de la part de l’ours.
On s’accommoda donc de cette compagnie supplémentaire tout en la surveillant du coin de l’œil.
Le soir venu, autour du feu où ils dégustèrent soupe d’anguilles et tranches de porc, les historiques tinrent conseil :


On va rester combien de temps ici ?... Trois jours de plus, me semble une bonne idée, Amelia. Mais quelqu’un a-t-il une idée de l’endroit où il faut aller ? … Oui, Chichille, on suivra l’eau, évidemment ! Je me demandais si nous ne devrions pas réclamer de quoi faire un autre ballon…

Un tollé général s’éleva contre cette idée. Il est vrai que l’engin précédent avait requis des mois de travaux intensifs qu’aucun ne désirait répéter.
La discussion fut houleuse. Suivre le fleuve paraissait le plus sensé quoique maints écueils doivent se contourner. Cette rive était beaucoup plus accidentée que celle ravagée par les flammes. On émit l’hypothèse de construire un radeau, et de retraverser les flots. Tous y allant de leur mot, Louis écouta les avis partagés sans trop savoir à qui donner raison. C’est alors qu’il remarqua le manège des bestioles. Jusque-là, l’ours s’était sagement tenu à l’écart, affalé près de la tente du guerrier. Maintenant, il était sur ses pattes, cerné par les quatre chats… respectueux( ?)


Hey ! Visez nos copains ! On dirait qu’ils… causent !


Tous se tournèrent vers le carré des hybrides au centre duquel nounours paraissait régner. Soudain, les chats s’écartèrent afin de céder le passage au plantigrade qui se dirigea vers les humains. Machinalement, Louis empoigna son couteau. L’attitude de l’ours n’était pas hostile. Il visa Achille qui se dressa à son approche. Louis rigola afin de cacher son angoisse :

Pas à dire, t’as la cote avec lui ! Il veut faire causette, tu crois ?

Mais aucun son ne franchit le gosier de l’animal. Tête humblement baissée devant le héros, il s’arrêta à faible distance et se mit à griffer le sol. S’il s’était agi d’un taureau, cela aurait été le signal d’une attaque imminente. Or là…
Quand nounours eut achevé sa longue tâche, il recula et s’assit sur son arrière-train, paisible. Comme ébahi, Achille invita les autres à s’approcher du… dessin gravé.


Seigneur ! Un ours savant ! s’exclama Louis. Je ne rêve pas, hein ? Il a bien dessiné, euh… un plan ?

Sur le sol, en effet, se représentait une ébauche de carte. Parfaitement reconnaissable, la rive du fleuve s’y étirait avec plusieurs obstacles visibles.

La croix, là, c’est… nous ?

Au saisissement général, l’ours hocha positivement du museau.
Il ne fit aucun doute que l’animal comprenait parfaitement leur langage, et y répondait.
Alors, les questions plurent. Avec sa façon de communiquer, lentement, il se dégagea une idée générale qui les laissa pantois. Beaucoup de points obscurs demeurèrent car, fatigué, la bestiole regagna ses pénates où il s’allongea.
Plus tard, dans la tente leur servant d’abris, Louis prit la main d’Hélène
:

Ce… Cet ours se dit ami mais peut-on s’y fier ?... Oui, il prétend être reconnaissant à Achille mais pas être d’ici… et vouloir nous aider. On n’en est pas à une bizarrerie près, c’est clair. Dors, ma douce. Je veillerai.

Au matin, le campement s’éveilla en douceur. Louis s’étonna en constatant la disparition du plantigrade et l’air prostré d’Achille qui contemplait le lac où s’ébattait la sirène.

Ton pote est parti ?... IL T’A PARLÉ ?


Selon son style bref, Achille dénigra. Avant de s’évaporer, l’ours avait complété son plan et écrit un nom : Luke.
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